Einsiedeln, le haut lieu du pèlerinage en Suisse
En ce jour, après avoir arpenté avec émerveillement le majestueux viaduc de bois qui serpente au-dessus de la baie du lac de Zürich, vous vous apprêtez à fouler les sentiers empreints de l’histoire de Meinrad, ce moine érudit du XIème siècle. Son odyssée débuta sur la montagne d’Einsiedeln, où passe votre parcours, avant de s’épanouir dans la fondation de ce qui deviendra la vénérable Einsiedeln. Le monastère d’Einsiedeln, écrin de spiritualité, ouvre ses portes à une myriade de pèlerins. Annuellement, ce sont plus de 500’000 âmes qui convergent des quatre coins du globe pour rendre hommage à la Vierge Noire. C’est également en ces lieux, parmi les pâturages peuplés de bovins de la Suisse ancestrale, que vit le jour l’illustre Paracelse. Philosophe et alchimiste de génie, il fut un pionnier de la médecine, prélude de nos connaissances actuelles. Les panoramas et l’existence bucolique se dévoilent ici dans une splendeur à vous ôter le souffle.
Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du parcours (routes ou chemins). Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.
Pour ce chemin, voici le lien :
https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-rapperswil-a-einsiedeln-par-la-via-jacobi-4-31971928
Difficulté du parcours : Le relief de cette étape se révèle être un défi de taille, avec un gain d’altitude conséquent pour une traversée si brève (+676 mètres/-173 mètres). D’abord, une promenade jusqu’à Pfäffikon se transforme en une épreuve de force jusqu’au col d’Etzel. L’ascension vers Luegeten se dresse comme une épreuve herculéenne, avec des gradients atteignant les 30%. Là, les pentes, bien que légèrement adoucies, dissimulent encore des défis ardus, avec des inclinaisons frôlant parfois les 20%. Au départ du col d’Etzel, le sentier plonge vers la Sihl dans une descente régulière, avant de s’élancer, par moments de manière impitoyable, vers les hauteurs d’Einsiedeln. La descente vers la cité s’effectue sans encombre.
État de la Via Jacobi : Dans cette étape, les parcours sur le goudron dépassent les parcours sur les chemins :
- Goudron : 9.8 km
- Chemins : 6.2 km
Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous trouverez sur Amazon un livre qui traite de ce parcours.
Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.
Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.
Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.
Pour les “vrais dénivelés ”et pour les passionnés de véritables défis altimétriques, consultez attentivement les informations sur le kilométrage au début du guide.
Section 1: Une grandiose et étonnante promenade sur le lac
Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.
La Via Jacobi, s’échappant gracieusement de l’étreinte de Rapperswil, délaisse la rive pour s’élancer, avec une audace presque poétique, sous la route et les rails, avant de se dévoiler, avec une soudaine quiétude, face au pont de bois ancestral qui enjambe le lac, tel un trait d’union entre deux mondes.
Ce pont, théâtre des premières lueurs matinales où les joggeurs viennent chercher leur paradis éphémère, défile avec une élégance discrète devant la chapelle Heilig Hüsli, joyau de 1551, qui repose, solitaire mais digne, sur son unique pilier de pierre. Ici, tout n’est qu’enchantement – la charpente du pont, semblant flotter sur les eaux miroitantes, et les planches grises, comme des pinceaux sur la toile de la nature. Les âmes qui foulent ce passage se trouvent enveloppées d’une aura presque mystique, comme s’ils se trouvaient devant la majesté du Taj Mahal.
Ce pont, un bijou posé délicatement sur le tissu bleuté du lac, fend l’horizon, escorté par une armée de roseaux. L’eau, d’une limpidité cristalline, révèle les ballets aquatiques des poissons. En 1358, le duc Rudolf IV d’Autriche, tisseur de l’histoire de Rapperswil, ordonna la création de ce premier passage en bois, unissant Rapperswil à Hurden, nourri par des desseins tant spirituels que marchands. Vint ensuite, en 1878, la construction d’une digue, prélude à l’avènement du pont moderne et de ses compagnons de fer.
Au-delà du pont, là où l’eau et le ciel se confondent en une étreinte sans fin, le lac de Zürich s’étend, vaste et imperturbable.
Sur ce chef-d’œuvre humain, pêcheurs et rêveurs cohabitent, unis dans un émerveillement sans cesse renouvelé par le spectacle grandiose qui s’offre à eux.
L’aventure de la Via Jacobi, après avoir épousé la digue, se laisse doucement guider vers la fermeté rassurante de la terre ferme.
Le chemin serpente ensuite à travers Hurden, ce hameau où se mêlent le charme des villégiatures et la tranquillité des demeures lacustres.
Il est des vérités qui se murmurent avec nostalgie. Après la traversée mémorable du pont depuis Hurden, le reste du parcours perd de sa superbe, de sa joie, se muant en un cheminement moins exaltant vers la gare de Pfäffikon, un trajet de courte durée mais dense, où la nature cède sa place à l’asphalte et au partage contraint de la voie avec les cyclistes, au cœur de la circulation. Vous êtes maintenant dans le canton de Schwyz et Pfäffikon se rapproche.
Le seul beau panorama est quand le lac se fusionne des deux côtés du pont.
Section 2: Une sérieuse bosse vers Luegeten
Aperçu général des difficultés du parcours : regardez le profil, vous ne serez pas déçu. Dès la sortie de Pfäffikon, c’est 100 mètres de dénivelé par kilomètre.
A un moment, on peut passer de l’autre côté de la route et longer la voie de chemin de fer. Mais, on peut tout aussi bien rester sur la route jusqu’à la gare. De toute manière, il faut gagner la gare, dans une ville qui n’est pas la plus belle de la région. C’est avant tout une ville où affluent les sociétés. Ici, les taxes pour les compagnies sont voisines de 10%. Le bonheur total, non ? Alors tant pis, on travaillera ici et on habitera plutôt à Rapperswil.
Aux abords de cette gare, la Via Jacobi s’élance, aspirant vers les hauteurs de la ville, en quête de l’Etzelpass.
Le parcours serpente entre escaliers et rues étroites et danse au milieu d’un patchwork de maisons où le moderne et l’ancien se heurtent peu à peu.
Plus haut, vous quittez les confins urbains, pour embrasser un sentier qui traverse les prés, sous le regard bienveillant mais distant des fermes, témoins austères d’une beauté moins prononcée qu’en terres saint-galloises.
La Via Jacobi, en son périple, caresse plus loin le lieudit Im Gräfi, prélude d’une ascension vers le col, traversant l’autoroute comme pour défier le monde moderne.
S’annonce alors une montée, où chaque pas est une lutte, une étreinte avec la pente de Luegeten, où le bonheur se mêle au cauchemar, selon le prisme de votre endurance.
Pour reprendre votre souffle, le regard peut s’abandonner à la contemplation du lac, jusqu’à Rapperswil, tableau vivant où le paysage se fait baume pour l’âme.
Ici, la pente se rebelle, arborant fièrement ses 30% de défi, où des marches se dressent parfois en alliées des marcheurs.
Tout au long de l’ascension, le murmure de l’autoroute s’élève, tel un chœur mélancolique, venant caresser et parfois tourmenter l’esprit du marcheur. Presque au faîte de cette colline, Luegeten se dévoile, rappelant que parfois, regarder en arrière permet de mieux mesurer le chemin parcouru, plutôt que de craindre la route restante.
Quelques derniers escaliers, et voici que se dévoile la route du col à Luegeten, offrant une délivrance tant attendue.
Luegeten se révèle, presque exclusivement, comme un sanctuaire panoramique où se mêlent langues et cultures, attirés par la promesse d’un horizon sans limites.
Et sur sa terrasse, le monde s’offre à vos yeux, dernier adieu au lac de Zürich, dans un soupir de contentement.
Ici, à Luegeten, un panneau révèle la vérité des parcours. Il montre que nous sommes sur la Via Jacobi 84 et non la Via Jacobi 4. C’est vrai. La vraie Via Jacobi 4 ne passe pas ici. Mais, la Via Jacobi 84 est le Chemin de Compostelle des gens qui ont passé par Rapperswil, du moins ceux qui sont partis de Konstanz.
Ici, la route d’Etzel s’efface peu à peu, laissant place à un sentier qui ose grimper dans la forêt, en quête de mystères.
Plus haut, le chemin et la route du col se croisent à nouveau, dans un ballet de nature et d’asphalte.
Dans l’écrin de cette forêt, le monde se fait magie, où les racines des hêtres, tels des tentacules de légendes marines, ourlent le sol de leur présence fantasmagorique, offrant aux passants une échappée dans un autre monde. Ces arbres aux racines peu profondes, jouent aux pieuvres et étendent leur bras qui serpentent sur le sol, comme des gorgones. Un vrai régal pour les cyclistes du dimanche !
Non loin, le murmure du ruisseau Sumelenbach accompagne votre progression, annonçant l’approche d’une clairière, oasis de lumière au cœur de l’ombre.
Plus haut, vous arrivez au lieudit Schnäggenburg où passe aussi la route vers le col. Ce n’est pas la route d’Einsiedeln. Ce n’est qu’une petite route de montagne étroite, utilisée par les amateurs de montage pour aller au col d’Etzel. D’ici, on peut rejoindre aussi le vraie Via Jacobi 4 qui vient de Schmerikon, mais il n’y a aucune raison d’y aller. Il vaut mieux continuer sur St Meinrad.
Le chemin poursuit sa course en lisière de forêt.
Puis, il retourne en forêt. Avec leurs imposantes silhouettes, leurs branches qui se parent de lichens, les troncs des hêtres s’élèvent très haut dans le ciel, comme des cathédrales gothiques, et entrecroisent leur ramure avec celle des sapins blancs et des épicéas, qui ne veulent pas faire partie de la revue. La pente, comme apaisée, se fait moins ardente.
Vous arrivez dans la forêt de Bannwald, et bientôt, un refuge, écrin de sérénité, se révèle dans une clairière, promesse d’une pause sans doute méritée.
Le refuge de Gruebi, édifié en 2016 à l’orée de Bannwald, se dresse comme un témoignage de la générosité des âmes d’ici, offrant bois et scie pour réchauffer les cœurs et les corps. Les gens d’ici sont assez exceptionnels.
Tout proche, un cabanon, berceau de bourdonnements joyeux, où les abeilles dansent en un ballet incessant, capturant l’essence même de la vie. C’est de la magie pure par ici.
Section 3 : Tout là-haut, dans l'ermitage du bon moine
Aperçu général des difficultés du parcours : montagnes russes conséquentes.
Au refuge, nous ne sommes pas très éloignés du col. La pente consent, pour un temps, à adoucir sa rigueur au sein de l’écrin forestier. Dans ce domaine, où l’altitude tient cour à l’empire des épicéas, la nature orchestre une symphonie de ruisselets, nés du Giessenbach. Ces veines d’eau cristalline se frayent un chemin avec une grâce insaisissable, leurs parcours défiant toute tentative de cartographie précise.
Ici encore, les signes ne manquent pas pour évoquer les embranchements cachés, promesses de rencontres avec d’autres sentiers. C’est un peu plus loin que vous rejoignez la Via Jacobi 4, sentier pèlerin qui dédaigne le passage par Rapperswil, préférant l’étreinte des montagnes depuis Schmerikon, en traversant Siebenen.
À l’orée du bois, le chemin effleure presque la route du col. Loin de l’agitation des grands axes, cette voie discrète mène à Einsiedeln, traversant un paysage ponctué de vestiges anti-char, témoins silencieux d’une époque où l’armée suisse, par le nombre, rivalisait avec les plus grandes d’Europe. Quel ennemi aurait donc osé troubler la paix de ces hauteurs ?
Bientôt, tel un phare guidant les âmes égarées, St Meinrad se révèle, perché au sommet de sa montagne sacrée.
Encore un ultime effort, un talus abrupt à vaincre, et la Via Jacobi s’empare du col d’Etzel, trônant à 928 mètres d’altitude. Depuis le lac, vos pas ont triomphé de plus de 500 mètres de verticalité.
La chapelle de St. Meinrad, édifice du XVIIème siècle, et l’auberge voisine, façonnée par les siècles, se dressent là où Meinrad, moine de Reichenau au IXème siècle, choisit de vivre en ermite avant de semer les graines de ce qui deviendra Einsiedeln. Deux corbeaux, selon la légende, étaient les compagnons de l’ermite, témoins de son tragique destin aux mains de brigands. Aujourd’hui, leur effigie veille sur Einsiedeln, emblème héraldique de la ville. Ici, l’âme se repaît de sérénité à la chapelle, et le corps trouve réconfort à l’auberge, dont la terrasse offre une vue plongeante sur la vallée d’Einsiedeln.
La descente du col dévoile un paysage qui semble s’échapper d’une carte postale suisse, où chaque élément – fermes ancestrales, prairies d’un vert éclatant, bovins paisibles et montagnes lointaines – concourt à une harmonie presque irréelle.
Plus bas, la route se fraye un passage devant une exploitation de sapins de Noël, ajoutant une note poétique au tableau.
Elle descend ensuite, serpentant entre prés et troupeaux jusqu’à l’hôtel Krone, situé non loin du pont enjambant la Sihl.
C’est ici (mais pas à l’hôtel Krone), qu’est né en 1493 Paracelse, né Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim. Il passa sa vie surtout à Salzbourg, où il y mourut. Ce fut un médecin-chirurgien innovateur en thérapeutique, doublé d’un grand philosophe, initiant le tournant de la médecine galéniste, centrée sur les quatre humeurs, vers la médecine moderne basée sur la biochimie, en déstabilisant les édifices galénique et aristotélicien et en ouvrant la voie à la physiologie expérimentale. La pensée de Paracelse est le point de départ du long processus de séparation de la chimie de l’alchimie. Les travaux de nombreux savants sur deux siècles et demi permirent de se libérer des excès métaphysiques de Paracelse et en s’appuyant sur les expériences de laboratoire pour aboutir à la révolution chimique de Lavoisier au XVIIIème siècle.
C’est quand même étonnant de retrouver Paracelse ici, au milieu des vaches grises de la Suisse dite primitive !
La Via Jacobi traverse ici le Pont du Diable, un magnifique pont en pierre avec sa toiture en bois, qui date de 1700. On le construisit pour acheminer les pierres de la carrière d’Etzel vers Einsiedeln pour la construction du nouveau monastère. Le passage du pont était un cap important pour les anciens pèlerins de Compostelle. La Sihl naît dans les montagnes du canton de Schwyz, traverse le lac du même nom près d’Einsiedeln, et se jette dans la Limmat, à Zürich. A voir, cela ressemble à une rivière assez tumultueuse.
Un peu de publicité ici pour l’hôtel St Joseph à Einsiedeln, refuge des pèlerins, qui s’offre comme une halte bienvenue, promesse de repos et de réconfort.
Après le pont, la route grimpe légèrement vers les demeures éparses de Meieren. Cependant, votre itinéraire ne s’attarde guère sur cette voie, préférant rapidement s’évader à travers les prairies.
Le chemin traverse alors un modeste affluent de la Sihl, avant de s’élever, avec une douceur modérée, à travers un sous-bois dominé par frênes et hêtres, où de petites vaches grises vous observent passer, empreintes d’une bienveillance toute pastorale.
Puis, affrontant une pente plus exigeante, le sentier rejoint une voie plus large, ascension qui mettra à l’épreuve votre endurance avant de nous mener, enfin, vers les hauteurs et les fermes de Chlammeren. Les paysans ont droit, ici aussi, à leur voie carrossable pour leurs tracteurs. Allez ! On dira qu’on comprend, étant donné l’inclinaison des prés ici.
Un peu plus haut, une petite route mène aux fermes de Chlammeren.
Ici, une buvette n’est pas qu’un simple refuge où se désaltérer ; elle est aussi un écrin de trésors artisanaux, offrant aux voyageurs un avant-goût du paradis.
Section 4 : En descente sur Einsideln, le monastère de Meinrad
Aperçu général des difficultés du parcours : parcours sans aucune difficulté.
Depuis le hameau, l’ascension persiste avec une douceur infinie, jusqu’à s’élever vers un plateau élevé. Devant vous, dans la majestueuse chaîne de montagnes, émergent les deux éminences caractéristiques des Mythen, tels des gardiens silencieux veillant sur la terre alpine. Demain, votre chemin les franchira, guidé par les caprices de la Via Jacobi.
Vous parvenez bientôt au lieu-dit Höchmatt, une prairie d’altitude où le souffle de l’air est aussi pur que celui des sommets. Ici, vous êtes au même niveau que celui du col d’Etzel, selon les indications d’un panneau qui annonce Einsiedeln à une marche d’environ une heure.
La Via Jacobi, se laissant emporter par une descente imperceptible, suit le tracé de l’ancienne route du col d’Etzel. À l’horizon, se dessine la silhouette argentée du lac de Sihl, une étendue d’eau majestueuse nourrie par les flots des montagnes, où s’égare la rivière éponyme, tandis qu’Einsiedeln repose au creux de la vallée.
Au détour de la route, au lieu-dit Galgenchappeli, un mémorial évoque le souvenir de trois paysans, héros malheureux de révoltes locales, tombés ici, sous le tranchant des bourreaux, en 1766, leurs têtes clouées à l’infamie des poteaux..
La route s’approche du lac de Sihl, sans toutefois s’y plonger. Les eaux paisibles du lac, d’un bleu harmonieux, reflètent la sérénité glaciale typique des lacs alpins.
À mesure que vous approchez d’Einsiedeln, les symboles sacrés jalonnent la route, témoins d’une ferveur ancrée dans les siècles.
C’est alors que la route s’incline légèrement, comme pour marquer le respect envers la cité qui se profile à l’horizon.
Aujourd’hui encore, les remparts antichars protègent Einsiedeln, rappelant un passé ici heureusement épargné des tourments de l’histoire. La cité s’étend gracieusement dans une vaste plaine, sous le regard bienveillant des Mythen qui veillent depuis les hauteurs.
La Via Jacobi achève son périple en atteignant Einsiedeln, sur l’Alte Etzelstrasse, bien que vous restiez encore à bonne distance du cœur battant de la cité.
Là, où persiste encore un souffle de campagne, Einsiedeln vous ouvre ses portes.
La route longe désormais une partie plus récente de la cité, dépourvue de charme, il faut bien le reconnaître.
Puis, elle se rapproche de l’abbaye, croisant sur son chemin la Chapelle St Gangulf, édifice séculaire datant du début du XIe siècle. Des chroniques anciennes, illustrées de la main des temps, retracent le passage du Chemin de Compostelle à travers ses murs sacrés. La Seconde Guerre mondiale vit la restauration de ce lieu de culte, témoignant de l’éternelle quête de spiritualité.
La Via Jacobi débouche finalement au cœur de la ville d’Einsiedeln, peuplée de quelque 11’000 âmes, renommée pour son monastère, mais aussi pour ses tremplins de ski qui, chaque hiver, et en été aussi, accueillent les joutes internationales du saut à ski.
L’abbaye, dédiée à Notre-Dame des Ermites, trône majestueusement sur une vaste place, animée du va-et-vient des fidèles et des curieux. Le couvent d’Einsiedeln figure parmi les sanctuaires les plus visités, attirant chaque année plus de 500’000 pèlerins venus des quatre coins du globe pour contempler et vénérer la Vierge noire.
Au centre de cette place imposante jaillit la fontaine de la Vierge. De nombreux pèlerins boivent à sa source. A l’origine, c’est la source de St Meinrad. On lui attribue des vertus thérapeutiques.
On a déjà mentionné que Meinrad, venu de Reichenau, maison bénédictine dans une île du Rhin, s’établit d’abord comme ermite, dès 828, près du col d’Etzel. Puis, il descendit sur Einsiedeln, alors en pleine forêt, pour vivre dans quelques pièces, avec une petite chapelle, pour lieu de culte. En 861, il fut tué par des voleurs qui lui enfoncèrent le crâne. / L’ermitage de St. Meinrad resta ensuite abandonné pendant 40 ans. D’autres moines reprirent l’ermitage. Ils restaurèrent la chapelle et défrichèrent les alentours. En 934, la petite communauté monastique, obéissant à la Règle de St. Benoît, s’agrandit et un premier Abbé fut désigné. En 947, l’empereur Othon reconnut le monastère et conféra aux abbés la dignité de princes d’Empire. Einsiedeln brilla d’un vif éclat, aux Xème et XIème siècles, et son influence rayonna sur l’Allemagne méridionale. Dès le XIVème siècle, son pèlerinage attira les foules. Il faut dire que c’est en 1286 qu’il est fait mention, pour la première fois, d’une chapelle dédiée à la Vierge. Sur l’autel où Meinrad faisait ses prières, on construisit une chapelle, le lieu où se trouve désormais la chapelle des Grâces, où les pèlerins du monde entier sont venus et viennent encore se recueillir auprès de la Vierge noire.
Suivit alors une période difficile avec de nombreux incendies, des frictions entre les autorités cantonales et le monastère, la Réforme. En 1577, un dernier incendie détruisit le village et une grande partie du monastère. La reconstruction fut entreprise. En 1683, la Chapelle des Grâces, contenant la précieuse statue et la vieille chapelle des ermites, fut transformée, complètement revêtue de marbre noir aux frais de l’archevêque de Salzbourg. La reconstruction quasi totale du monastère fut décidée en 1702. La façade actuelle, avec ses hautes tours, fut achevée en 1724. La grandiose place devant l’église fut aménagée de 1745 à 1747. On vivait en pleine époque baroque, et les bâtiments furent conçus ainsi. Au XVIIIème siècle, étant donné le nombre croissant de pèlerins, on fit quelques transformations dans les nefs, dans l’entourage de la Chapelle des Grâces et dans l’aménagement des grands orgues.
Pénétrons à l’intérieur de l’église.
Les amateurs de baroque tardif et de rococo y trouveront leur bonheur. L’objet de dévotion est dans la Chapelle des Grâces, la vierge noire, la Madone des Ermites. La statue, en bois de poirier, mesure environ 1 mètre. D’origine inconnue, elle aurait été amenée ici au milieu du XVème siècle. À l’origine, le visage et les mains étaient peints mais la suie des cierges qu’on faisait brûler finit par les noircir. On décida alors de peindre les parties principales de la statue en noir. Malgré les incendies successifs, la statue et sa chapelle restèrent intactes. On mit la Vierge en sécurité lors de l’occupation des troupes françaises à la Révolution de 1798. /Avant chaque grande fête religieuse, la statue change de costume et les moines lui changent de toilette plusieurs fois par année, en robe rouge, violette, blanche, bleu ou perse. Il n’y a pas moins que 33 tenues d’apparat, faites de tissus précieux, agrémentées de bijoux, de couronnes en or, de colliers, de chapelets en perles ou de boucles d’oreilles en diamants. Il existe un responsable de la garde-robe mariale au couvent. Couvrir une Vierge noire n’est pas l’apanage d’Einsiedeln. On pratique de même, par exemple au Puy-en-Velay ou à Rocamadour.
Dans la liturgie catholique, le commencement d’une année jubilaire est toujours solennellement marqué par l’ouverture de la Porte Sainte par le pape en la Basilique Saint-Pierre au Vatican. Mais, en ce Jubilé de la Miséricorde, le Pape François a souhaité que dans chaque diocèse qu’il y ait une porte sainte de telle sorte que tout un chacun puisse à travers le monde faire une démarche jubilaire. Einsiedeln a fait la démarche en dressant une porte devant l’église.
La gigantesque abbaye contient 4 cours intérieures. En plus des appartements destinés aux moines, elle comprend une école, des ateliers, une cave pour le vin de l’abbaye, des écuries abritant les chevaux élevés par les moines, une bibliothèque qui n’est pas ouverte au public. La bibliothèque monacale renferme des manuscrits et des livres qui remontent à la fondation du monastère au Xème siècle. On compte aujourd’hui une cinquantaine de moines. Le canton de Schwyz est un canton majoritairement catholique.
La vie de la cité se concentre près de l’église et des rues adjacentes. De beaux bâtiments ornent la place, dont le baroque Rathhaus ou l’hôtel St Joseph, une institution ici.
Même les banques ont droit ici à leurs fioritures.
Ce dimanche-là, il y avait foule à Einsiedeln. Ce n’étaient pas seulement les sauteurs à ski qui s’entraînaient pour le concours de saut. C’était une fête alpestre qu’on ne voit plus guère qu’en Suisse allemande, dans les gros bourgs. “Le suisse trait sa vache et vit heureux” a dit Victor Hugo. Rien n’a changé sur tout le parcours que fait le Chemin de Compostelle, jusqu’à Lausanne. Des vaches, encore des vaches, rien que des vaches. A Einsiedeln, il y avait foule pour assister au cortège des claqueurs de fouet, mais surtout des sonneurs de cloches. Il ne manquait que les joueurs de cor des Alpes et les lutteurs à la culotte, pour faire le tour du patrimoine folklorique helvétique.
Et après cette symphonie assez dissonante, la pause a lieu bien sûr à la cantine, aux sons d’on orchestre traditionnel. Bien évidemment, il vaut mieux négliger la cantine et pénétrer dans un des restaurants, où vous mangerez les meilleurs Rösti de la planète.
Logements sur la Via Jacobi
- Hôtel-restaurant Rössli, Hudnerstrasse 137, Hurden; 055 416 21 21 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Familie Dillier, Lützerhof, Etzelstrasse 126, Pfäffikon ; 055 420 21 93/079 604 14 50 ; Chambre d’hôte (paille), repas, petit déj.
- Ferienwohnung Kählin, Pilgerweg 36, Pfäffikon ; 055 410 56 20/079 240 35 72 ; Chambre d’hôte, petit déj.
- Seedamm Plaza, Seedammstrasse 3, Pfäffikon ; 055 417 17 17 ; Hôtel****, repas, petit déj.
- Gasthaus St Meinrad, St Meinrad; 055 412 25 34; Hôtel, repas, petit déj.
- Kloster Einsiedeln, Einsiedeln; 055 418 61 57 ; Accueil chrétien, repas, petit déj.
- Jugend und Bildungszentrum, Lincolnweg 23, Einsiedeln; 055 418 88 88 ; Auberge jeunesse
- B&B Wissmüli, Weissmühlestrasse 3, Einsiedeln; 055 412 51 58 ; Chambre d’hôte, petit déj.
- Zen Ermita, Etzelstrasse 38, Einsiedeln; 078 408 10 89/076 405 05 67 ; Hôtel (zen), repas, petit déj.
- Hôtel Sankt Joseph, Am Klosterplatz, Einsiedeln; 055 412 21 51 ; Hôtel, petit déj.
- Hôtel Allegro, Lincolnweg 23, Einsiedeln; 055 418 88 88 ; Hôtel**, repas, petit déj.
- Hôtel Sonne, Hauptstrasse 82, Einsiedeln; 055 412 28 21 ; Hôtel**, repas, petit déj.
- Hôtel Sankt Georg, Hauptstasse 72, Einsiedeln; 055 418 24 24 ; Hôtel***, petit déj.
- Hôtel Drei Könige, Paracelsuspark 1, Einsiedeln; 055 418 00 00 ; Hôtel***, repas, petit déj.
- Hôtel Linde, Schmidedenstrasse 28, Einsiedeln; 055 418 48 48 ; Hôtel***, repas, petit déj.
Trouver un logement lors de cette étape ne pose guère de grandes difficultés. En chemin, vous n’aurez guère le loisir de vous restaurer, si ce n’est au col d’Etzel. En fin d’étape, vous arriverez en ville, où tous les commerces seront à votre disposition. Malgré cette relative facilité, il est toujours prudent de réserver par sécurité.