08: Petite visite de Morat

Petite visite de Morat

 

DIDIER HEUMANN, ANDREAS PAPASAVVAS

 

Un peu d’histoire

 

Ici, l’histoire débute dans les documents en 515, avec le royaume de Bourgogne qui s’intéresse à cette région connue sous le nom de Moritum, depuis les Romains. L’histoire est alors assez obscure depuis, si ce n’est que les Bourguignons sont restés longtemps maîtres des lieux. Le roi de Bourgogne Rodolphe III avait sa cour à Morat en 1013. Il y eut alors une lutte pour sa succession, et l’empereur Conrad II du St Empire germanique reconquit les terres et Morat fut détruit. En 1079, l’empereur Henri IV donna Morat, avec d’autres biens, à l’évêque de Lausanne. La nouvelle ville fut refondée fondée dans les années 1170 par le duc Berthold IV de Zähringen, une famille appartenant aux Habsbourg, de la Maison d’Autriche, grande pourvoyeuse de rois et d’empereurs du St Empire germanique. Morat s’alia alors avec Fribourg, puis avec Berne. Plus tard, elle se plaça sous la protection du comte Pierre II de Savoie en 1255. Alors que Philippe I de Savoie refusait de la céder, Rodolphe I de Habsbourg, qui la considérait comme bien d’Empire, s’en empara de force. Après la mort de Rodolphe, Amédée V de Savoie la reprit en 1291, mais il la rendit à Albert I de Habsbourg. En 1310, elle fut remise en gage à la Savoie. Morat, ce n’est donc durant cette période qu’un va-et-vient incessant entre la Savoie et l’Empire St Germanique, avec de temps à autre des rapprochements avec les confédérés helvètes. En 1377, le Comte Amédée de Savoie confirme les franchises accordées à la ville par Berchthold de Zaehringen. En 1416, la ville est incendiée et reconstruite.

Nous arrivons alors dans les années 1475, les années des Guerres dites de Bourgogne, où Charles le Téméraire perdit à Grandson le bien, à Morat le courage et à Nancy la vie. Le triomphe des Confédérés devant Morat figure en bonne place dans l’histoire helvète. Loin de la légende dorée, Morat fut surtout le théâtre d’un authentique carnage. Ce jour-là, les troupes helvétiques massacrèrent jusqu’au dernier près de 12’000 Bourguignons qui, totalement cernés, n’eurent aucune chance de s’en tirer. Mais pour comprendre l’affaire, il faut dresser le portrait de Charles le Téméraire. De son père Philippe le Bon, il a hérité d’un duché puissant mais fragmenté qui comprend les Pays-Bas, les Flandres, l’Artois, la Bourgogne et la Franche-Comté. A cette période, la Suisse de ce côté occidental n’existe pas encore. Très ambitieux, Charles n’aura de cesse que de réunir en un bloc ces territoires disparates. Pour y parvenir, il peut compter sur de solides alliés, dont le roi d’Angleterre, les ducs de Milan et de Savoie, et sur son armée puissante. Mais cette ambition menace les intérêts du roi de France. Mais Louis XI n’est pas seul à s’inquiéter. Berne voit aussi d’un mauvais œil les projets du voisin bourguignon, projets qui compromettent les ambitions de la République vers le nord comme vers le sud. Entre les Confédérés et le duc, cela sentait la lutte à mort, une lutte pour l’existence. Inéluctable, le conflit éclata suite à la révolte de quelques villes alsaciennes qui contestaient l’autorité ducale et appelaient leurs alliés à la rescousse.
En 1474, les Suisses, liés par la paix signée avec Sigismond de Habsbourg, menèrent donc campagne en Franche-Comté. Tous les passages du Jura furent occupés, 16 villes et 43 châteaux pris ou livrés aux flammes. Sur le chemin du retour, Bernois, Fribourgeois et Soleurois marchèrent sur le Pays de Vaud, possession de la Savoie, alliée de Charles le Téméraire. Seize villes et 43 châteaux, dont Morat et Grandson, furent pris ou livrés aux flammes au cours de ces opérations d’une brutalité peu commune, avec viols, pillages, et razzias qui donnèrent d’emblée le ton de ce que seront les guerres de Bourgogne. La réplique ne tarda guère. En 1476, Charles le Téméraire, à la tête d’une armée de 20 000 hommes, pénétra dans le Pays de Vaud et enleva Grandson. La garnison du château, qui s’est pourtant rendue, fut exécutée dans son entier. Quatre cent douze Bernois furent noyés ou pendus. Dès lors, pour les Confédérés, il ne fut plus question de mansuétude. Le Bourguignon devait payer.
A la suite du massacre de la garnison suisse à Grandson, une alliance de cantons marcha en direction du château pour se venger. Une bataille s’engagea à Concise et la coalition suisse fut victorieuse. Pourtant, son armée, principalement composée de Lombards, était très bien équipée pour l’époque avec une cavalerie et de l’artillerie modernes. Les Suisses, eux, comptaient sur leurs soldats équipés de piques longues de 5 mètres et de hallebardes qui avancent vers l’ennemi tel un hérisson et qui sont particulièrement efficaces contre les charges de cavalerie.

Pour prendre sa revanche le Duc de Bourgogne entreprit d’attaquer directement la ville de Berne après s’être réorganisé à Lausanne. Sur son chemin, il mit le siège à Morat, entourée de fortifications. La ville était défendue par 1’500 hommes provenant de Berne et Fribourg, Morat ayant dans intervalle juré fidélité à ces villes. Cette dernière ne faisait pas encore partie de la Confédération à cette époque. Le Duc de Bourgogne possédait une armée hétérocycle d’environ 20’000 hommes originaires de Hollande, Angleterre et de Lombardie. Il était soutenu par l’armée savoyarde. En nette infériorité numérique, la ville de Morat subit de gros dommages mais arriva à résister et dut uniquement son salut aux renforts venant des cantons Suisses (24’000 hommes) qui prirent à revers les positions ennemies. Et ce fut le massacre total des Bourguignons. On ne relèvera aucun prisonnier. Le Duc de Bourgogne parvint à s’enfuir malgré la défaite.
En 1477, la cinquième bataille des guerres de Bourgogne eut lieu à Nancy où le Duc de Bourgogne entreprenait de mater la ville en rébellion pour assurer une continuité sur son territoire coupé alors en deux. La ville était notamment renforcée par des soldats de la Confédération helvétique. Le Duc de Bourgogne mourut à cette occasion dans une bataille perdue suite encore à des erreurs stratégiques. Apparemment, Charles le Téméraire n’était pas un grand stratège militaire.

Après ces épisodes, qui mirent fin au duché de Bourgogne, la Confédération helvétique fut regardée comme une puissance européenne. Partout les Suisses étaient craints et convoités pour leurs talents militaires. Gigantesque, le butin accumulé contribua également à remplir les caisses des cantons, mais il renforça aussi leurs divisions. Incapables de s’entendre, jaloux de la puissance croissante de Berne, les vainqueurs profitètent pourtant mal de leur triomphe. Ils abandonnèrent le Pays de Vaud, qu’ils tenaient pourtant solidement, cédèrent la Franche-Comté, livrant la Bourgogne à la France. Au final, les seuls accroissements territoriaux dont profitèrent les Suisses furent l’entrée de Fribourg et de Soleure dans la Confédération. En ce qui concerne Morat, elle resta soumise au pouvoir des cantons de Berne et de Fribourg, pour une durée de 300 ans. En 1798, arrivèrent les Français. Alors, en 1803, Napoléon attribua définitivement Morat au canton de Fribourg.

Petite visite

 

Quand vous visiterez Morat, songez à toute cette histoire. Voici une illustration du plan de la cité fortifiée.

Quand vous entrez dans la cité du côté est, vous franchissez la porte de Berne (n03 du plan). La première mention de la Porte de Berne remonte au XIIIème siècle. Lors de la bataille de Morat, elle fut entièrement détruite et dut être rénovée à plusieurs reprises. La porte de Berne actuelle date de la deuxième moitié du XVIIIème siècle. Elle est l’œuvre du maître bernois Niklaus Hebler, qui a aussi rénové la célèbre Zytglogge de Berne. On trouve à l’intérieur un mouvement d’horlogerie datant du début du XVIIIème siècle, et on remonte encore les trois poids de pierre avec les boulets de la bataille de Morat tous les jours.
La vielle ville n’est pas grande. Depuis la porte de Berne, on y entre par la Hauptgasse (rue principale). La rue est offerte aux véhicules qui transitent à travers la cité. Dommage ! Ici, les touristes défilent en nombre surtout sous les arcades de la rue centrale. De petites venelles y partent vers les remparts.
Partons sur la droite en direction de l’Église française (n01 du plan). C’est l’Église réformée française de Morat. A l’origine, il s’agit de l’ancienne chapelle Ste Catherine, fondée au XIIIème siècle. Ce lieu fut transformé par la suite et consacré au culte réformé français en 1710. Le temple fut transformé au XVIIIème siècle et restauré en 1970. L‘église porte une plaque commémorative du réformateur Guillaume Farel (1530). La construction est de style gothique tardif. Jusqu’en 1476, cette chapelle Sainte-Catherine se trouvait à proximité de l’actuelle gare. Elle a été détruite à la bataille de Morat et a été reconstruite plus tard ici.
Près de l’église, il y a une esplanade avec une belle perspective sur le port, le lac et le Mont Vully en face.
Depuis l’église, vous pouvez suivre la Rathausgasse, la deuxième rue importante de la cité. Ici, il y a moins de touristes, car il y a moins d’échoppes et de terrasses au soleil. Mais, les maisons sont remarquables, groupées autour du Rathaus, l’hôtel de ville.
Au bout de la rue se dresse le château, avec son aspect austère, avec ses fenêtres marquées des couleurs du canton de Fribourg (n013 du plan).
C’est le comte Pierre II de Savoie qui fit construire le château en 1255. Les Savoyards améliorèrent les défenses et les remparts du château. Celui-ci fut partiellement endommagé en 1414 par un incendie, puis rénové les années suivantes. En 1476, le château fut le théâtre de la bataille de Morat. Le château subit de plein fouet les dégâts. 6 tours furent gravement endommagées, les remparts détruits en partie par les canons des Bourguignons. La grande tour à quatre côtés qui reste était le donjon. Puis, le château resta le siège administratif des baillis bernois et fribourgeois. Il devint ensuite tour à tour hôpital, caserne et prison. Aujourd’hui il abrite la préfecture du district du Lac du canton de Fribourg. Chaque août et septembre les Murten Classics ont lieu dans la cour du Château.
Aujourd’hui, le donjon est ouvert au public entre juin et octobre. On peut y visiter les prisons, en laissant vivre les choucas, qui font partie de la vie du château depuis les années 1930.

En revenant du château, vous avez de belles perspectives sur la Hauptgasse.

Mais, c’est à partir d’ici qu’est le clou du spectacle : les remparts (no14 plan). Vous allez emprunter de magiques ruelles du vieux Morat pour y accéder. Le parcours est fléché, et vous n’allez pas vous perdre tant le vieux Morat est succinct.
Bientôt, vous vous retrouvez à l’accès dans les murailles.

On accède aux remparts par des escaliers.
D’ici, vous pouvez soit vous diriger vers le château, soit dans l’autre direction vers la Porte de Berne.

En dessous, vous avez une vue plongeante sur les vielles demeures du vieux Morat.

Selon les archives de la ville, le roi Conrad IV demanda aux bourgeois de construire un rempart de 12 pieds de haut autour de la ville. Le roi promettait d’exempter les bourgeois du paiement de l’impôt pour une durée de quatre ans si ceux-ci construisaient un rempart autour de la ville. Cette partie inférieure fut construite à base de galets maçonnés en épis et enrobés de mortier. Environ un siècle plus tard, la partie du milieu fut construite à partir de pierres récupérées. La partie supérieure construite avec des pierres de molasse fut ajoutée avant l’attaque des bourguignons en 1476.
Quand on se penche sur les meurtrières, on voit qu’il y a encore une muraille hors des remparts. On voit aussi l’église catholique hors les murs.
Les remparts ont été construits avec des matériaux différents comme le gravier, le tuf et la molasse. On peut aussi monter au-dessus du promenoir sur les tourelles.
Que vous alliez en direction du château ou de la Porte e Berne, les vues sont saisissantes sur les tours de garde ou les divers clochers de la ville.
Les escaliers redescendent des remparts au niveau de l’Église allemande, près de la Porte de Berne (no9 du plan).
A cause de son histoire liée plus au canton de Berne qu’au canton de Fribourg, Morat reste une ville où le protestantisme reste majoritaire dans un canton catholique. L’église allemande est un temple sobre comme le sont les temples protestants. Le chœur gothique fait partie de la tour de fortification et date de la fin du XVIIème siècle, sur la base d‘une ancienne chapelle dédiée à Ste-Marie. La reconstruction de 1710 est de style baroque. L’ancienne chapelle a été conservée à l’emplacement du chœur.
Vous quittez alors la Deutsche Kirchgasse pour retrouver la Porte de Berne et sortir de la ville fortifiée.
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