Petite histoire de Morat
Ici, l’histoire débute dans les documents en 515, avec le royaume de Bourgogne qui s’intéresse à cette région connue sous le nom de Moritum, depuis les Romains. L’histoire est alors assez obscure depuis, si ce n’est que les Bourguignons sont restés longtemps maîtres des lieux. Le roi de Bourgogne Rodolphe III avait sa cour à Morat en 1013. Il y eut alors une lutte pour sa succession, et l’empereur Conrad II du St Empire germanique reconquit les terres et Morat fut détruit. En 1079, l’empereur Henri IV donna Morat, avec d’autres biens, à l’évêque de Lausanne. La nouvelle ville fut refondée fondée dans les années 1170 par le duc Berthold IV de Zähringen, une famille appartenant aux Habsbourg, de la Maison d’Autriche, grande pourvoyeuse de rois et d’empereurs du St Empire germanique. Morat s’alia alors avec Fribourg, puis avec Berne. Plus tard, elle se plaça sous la protection du comte Pierre II de Savoie en 1255. Alors que Philippe I de Savoie refusait de la céder, Rodolphe I de Habsbourg, qui la considérait comme bien d’Empire, s’en empara de force. Après la mort de Rodolphe, Amédée V de Savoie la reprit en 1291, mais il la rendit à Albert I de Habsbourg. En 1310, elle fut remise en gage à la Savoie. Morat, ce n’est donc durant cette période qu’un va-et-vient incessant entre la Savoie et l’Empire St Germanique, avec de temps à autre des rapprochements avec les confédérés helvètes. En 1377, le Comte Amédée de Savoie confirme les franchises accordées à la ville par Berchthold de Zaehringen. En 1416, la ville est incendiée et reconstruite.
Nous arrivons alors dans les années 1475, les années des Guerres dites de Bourgogne, où Charles le Téméraire perdit à Grandson le bien, à Morat le courage et à Nancy la vie. Le triomphe des Confédérés devant Morat figure en bonne place dans l’histoire helvète. Loin de la légende dorée, Morat fut surtout le théâtre d’un authentique carnage. Ce jour-là, les troupes helvétiques massacrèrent jusqu’au dernier près de 12’000 Bourguignons qui, totalement cernés, n’eurent aucune chance de s’en tirer. Mais pour comprendre l’affaire, il faut dresser le portrait de Charles le Téméraire. De son père Philippe le Bon, il a hérité d’un duché puissant mais fragmenté qui comprend les Pays-Bas, les Flandres, l’Artois, la Bourgogne et la Franche-Comté. A cette période, la Suisse de ce côté occidental n’existe pas encore. Très ambitieux, Charles n’aura de cesse que de réunir en un bloc ces territoires disparates. Pour y parvenir, il peut compter sur de solides alliés, dont le roi d’Angleterre, les ducs de Milan et de Savoie, et sur son armée puissante. Mais cette ambition menace les intérêts du roi de France. Mais Louis XI n’est pas seul à s’inquiéter. Berne voit aussi d’un mauvais œil les projets du voisin bourguignon, projets qui compromettent les ambitions de la République vers le nord comme vers le sud. Entre les Confédérés et le duc, cela sentait la lutte à mort, une lutte pour l’existence. Inéluctable, le conflit éclata suite à la révolte de quelques villes alsaciennes qui contestaient l’autorité ducale et appelaient leurs alliés à la rescousse.
En 1474, les Suisses, liés par la paix signée avec Sigismond de Habsbourg, menèrent donc campagne en Franche-Comté. Tous les passages du Jura furent occupés, 16 villes et 43 châteaux pris ou livrés aux flammes. Sur le chemin du retour, Bernois, Fribourgeois et Soleurois marchèrent sur le Pays de Vaud, possession de la Savoie, alliée de Charles le Téméraire. Seize villes et 43 châteaux, dont Morat et Grandson, furent pris ou livrés aux flammes au cours de ces opérations d’une brutalité peu commune, avec viols, pillages, et razzias qui donnèrent d’emblée le ton de ce que seront les guerres de Bourgogne. La réplique ne tarda guère. En 1476, Charles le Téméraire, à la tête d’une armée de 20 000 hommes, pénétra dans le Pays de Vaud et enleva Grandson. La garnison du château, qui s’est pourtant rendue, fut exécutée dans son entier. Quatre cent douze Bernois furent noyés ou pendus. Dès lors, pour les Confédérés, il ne fut plus question de mansuétude. Le Bourguignon devait payer.
A la suite du massacre de la garnison suisse à Grandson, une alliance de cantons marcha en direction du château pour se venger. Une bataille s’engagea à Concise et la coalition suisse fut victorieuse. Pourtant, son armée, principalement composée de Lombards, était très bien équipée pour l’époque avec une cavalerie et de l’artillerie modernes. Les Suisses, eux, comptaient sur leurs soldats équipés de piques longues de 5 mètres et de hallebardesqui avancent vers l’ennemi tel un hérisson et qui sont particulièrement efficaces contre les charges de cavalerie.
Pour prendre sa revanche le Duc de Bourgogne entreprit d’attaquer directement la ville de Berne après s’être réorganisé à Lausanne. Sur son chemin, il mit le siège à Morat, entourée de fortifications. La ville était défendue par 1’500 hommes provenant de Berne et Fribourg, Morat ayant dans intervalle juré fidélité à ces villes. Cette dernière ne faisait pas encore partie de la Confédération à cette époque. Le Duc de Bourgogne possédait une armée hétérocycle d’environ 20’000 hommes originaires de Hollande, Angleterre et de Lombardie. Il était soutenu par l’armée savoyarde. En nette infériorité numérique, la ville de Morat subit de gros dommages mais arriva à résister et dut uniquement son salut aux renforts venant des cantons Suisses (24’000 hommes) qui prirent à revers les positions ennemies. Et ce fut le massacre total des Bourguignons. On ne relèvera aucun prisonnier. Le Duc de Bourgogne parvint à s’enfuir malgré la défaite.
En 1477, la cinquième bataille des guerres de Bourgogne eut lieu à Nancy où le Duc de Bourgogne entreprenait de mater la ville en rébellion pour assurer une continuité sur son territoire coupé alors en deux. La ville était notamment renforcée par des soldats de la Confédération helvétique. Le Duc de Bourgogne mourut à cette occasion dans une bataille perdue suite encore à des erreurs stratégiques. Apparemment, Charles le Téméraire n’était pas un grand stratège militaire.
Après ces épisodes, qui mirent fin au duché de Bourgogne, la Confédération helvétique fut regardée comme une puissance européenne. Partout les Suisses étaient craints et convoités pour leurs talents militaires. Gigantesque, le butin accumulé contribua également à remplir les caisses des cantons, mais il renforça aussi leurs divisions. Incapables de s’entendre, jaloux de la puissance croissante de Berne, les vainqueurs profitèrent pourtant mal de leur triomphe. Ils abandonnèrent le Pays de Vaud, qu’ils tenaient pourtant solidement, cédèrent la Franche-Comté, livrant la Bourgogne à la France. Au final, les seuls accroissements territoriaux dont profitèrent les Suisses furent l’entrée de Fribourg et de Soleure dans la Confédération. En ce qui concerne Morat, elle resta soumise au pouvoir des cantons de Berne et de Fribourg, pour une durée de 300 ans. En 1798, arrivèrent les Français. Alors, en 1803, Napoléon attribua définitivement Morat au canton de Fribourg.
Quand vous visiterez Morat, songez à toute cette histoire. Voici une illustration du plan de la cité fortifiée.
En pénétrant dans la ville par l’est, vous franchirez la majestueuse Porte de Berne (n°03 du plan). Sa première mention remonte au XIIIe siècle, bien avant qu’elle ne soit ravagée lors de la bataille de Morat. Ce symbole de résilience, maintes fois restauré, renaît au XVIIIe siècle sous l’inspiration de l’illustre maître bernois Niklaus Hebler, également restaurateur de la célèbre Zytglogge de Berne. Derrière ces murs, un ancien mécanisme d’horlogerie du début du XVIIIe siècle continue de rythmer les jours, son tic-tac s’accordant aux échos lointains des boulets de la bataille, réincarnés en trois lourds poids de pierre que l’on remonte quotidiennement. |
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Morat ne dévoile pas son âme par ses dimensions. Sa vieille ville est un écrin modeste, mais vibrant, qui s’ouvre par la Hauptgasse, la rue principale, accessible dès la Porte de Berne. Les véhicules traversent parfois cette voie, ternissant quelque peu la quiétude du lieu. Pourtant, les arcades abritent une animation incessante, un ballet de visiteurs explorant les ruelles étroites menant aux remparts, tandis que des venelles s’échappent à l’ombre des façades, invitant à la découverte. |
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En prenant sur la droite, vous serez guidés vers l’Église française (n°01 du plan), temple réformé qui a vu le jour au XIIIe siècle sous le nom de Chapelle Sainte-Catherine. Dédié au culte réformé en 1710, ce lieu fut remodelé au XVIIIe siècle et restauré en 1970. Sous ses voûtes gothiques tardives, une plaque rend hommage à Guillaume Farel, acteur de la Réforme. Jadis, cette chapelle se dressait près de l’actuelle gare, avant d’être détruite à la bataille de Morat, puis réédifiée ici, symbolisant à la fois la continuité et la résilience de cette terre. |
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Non loin de l’église, une vaste esplanade offre un panorama saisissant : le lac, le port et, à l’horizon, le Mont Vully, majestueux et paisible. |
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Depuis l’église, engagez-vous dans la Rathausgasse, la deuxième rue importante de Morat. Elle est moins fréquentée, ses échoppes plus discrètes, ses terrasses plus rares, mais la beauté des façades demeure, concentrée autour de l’Hôtel de Ville, imposant témoin de l’architecture de la cité. |
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Au terme de cette rue, le château vous attend, austère et majestueux, ses fenêtres ornées des couleurs du canton de Fribourg (n°13 du plan). C’est Pierre II de Savoie qui, en 1255, lança l’édification de cette forteresse. Les Savoyards renforcèrent les défenses, mais l’histoire n’épargna pas le château : un incendie l’endommagea en 1414, et les assauts bourguignons de 1476 mirent ses remparts à l’épreuve. Les six tours en furent gravement touchées, les murs partiellement détruits par les canons. Devenu ensuite siège administratif des baillis bernois et fribourgeois, le château fut tour à tour hôpital, caserne et prison, avant d’accueillir aujourd’hui la préfecture du district du Lac. Chaque année, les Murten Classics animent sa cour entre août et septembre, redonnant vie aux murs anciens. |
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Le donjon, ouvert aux visiteurs de juin à octobre, dévoile ses secrets et son passé, tout en laissant les choucas, résidents des lieux depuis les années 1930, s’épanouir dans cet écrin patrimonial. |
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En quittant le château, les perspectives se déploient de nouveau vers la Hauptgasse, où le charme de la ville semble se concentrer.
Mais le véritable joyau de la visite commence ici : les remparts (n°14 du plan). Vous vous engagez dans les ruelles pittoresques du vieux Morat, guidés par un parcours balisé, déambulant dans un décor compact où l’histoire se révèle à chaque détour. |
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Bientôt, vous atteignez l’entrée des murailles. |
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Les remparts se gravissent par des escaliers, symboles de l’effort consenti pour pénétrer dans le cœur de l’histoire. |
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De là-haut, un choix s’offre à vous : rejoindre le château ou, en sens inverse, revenir vers la Porte de Berne. Sous vos pieds s’étend la vieille ville, un tapis de toits anciens qui racontent la vie d’autrefois. |
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Les archives rapportent que le roi Conrad IV avait sollicité les bourgeois pour bâtir un rempart de 12 pieds de haut autour de la ville, en échange d’une exemption d’impôt de quatre ans. Le rempart inférieur fut érigé en galets maçonnés, consolidés par un mortier ; le milieu, un siècle plus tard, se construisit de pierres récupérées, et la partie supérieure en molasse précéda les attaques bourguignonnes de 1476. |
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Si vous vous penchez aux meurtrières, vous apercevez encore une muraille extérieure, ainsi que l’église catholique en dehors des murs, témoignant des strates successives d’histoire et de défense. |
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Construit de gravier, tuf et molasse, le rempart s’offre à vous comme un chemin d’histoire. Vous pouvez également gravir les tourelles, plongeant dans une vue saisissante où les tours de garde et clochers s’élancent vers le ciel. |
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En longeant les remparts vers le château ou la Porte de Berne, chaque angle de vue révèle des paysages inattendus sur la ville fortifiée, les tours de guet, et les clochers. |
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Les escaliers vous ramènent ensuite près de l’Église allemande, non loin de la Porte de Berne (n°09 du plan). . |
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Morat, profondément marqué par l’influence bernoise dans un canton majoritairement catholique, demeure majoritairement protestant. L’église allemande, sobre et dépouillée, incarne l’esprit protestant. Son chœur gothique, construit au XVIIe siècle sur une ancienne chapelle dédiée à Sainte-Marie, fut reconstruit en 1710 dans un style baroque, le chœur conservant l’emplacement originel de la chapelle. |
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En quittant la Deutsche Kirchgasse, vous regagnez enfin la Porte de Berne, point de départ et désormais d’au revoir à cette ville fortifiée, à son histoire foisonnante et aux secrets bien gardés entre ses murs. |
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Etape suivante : Etape 10a: de Morat à Avenches par les hauts |
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