Bien au-dessus de la Birse
La veille, vous avez arpenté les rives paisibles de la Birse, vous laissant porter par ses méandres, foulant les berges comme on caresserait un chemin tracé par la main de la nature. Sous les frondaisons des petits feuillus, une arche verdoyante se déployait de part et d’autre de la rivière, conférant à votre promenade une douceur ombragée, une fraîcheur bienvenue. Mais ici, aujourd’hui, le scénario change radicalement. À Aesch, la vallée de la Birse se resserre, enserrée dans un écrin de falaises imposantes. Là, où tout esprit logique suggérerait de suivre la route paisiblement, en toute sécurité, les organisateurs de la Via Jura choisissent de défier cette attente, préférant les mystères de la forêt et des prairies, vous entraînant vers les hauteurs, là où les montagnes vous appellent. C’est une invitation aux « alpages », une échappée vers des sentiers enchanteurs, bien loin de la monotonie des parcours plats. Ce n’est qu’à l’ultime instant, à Laufen, que vous retrouverez les rives familières et rassurantes de la Birse.
Il faut le reconnaître, seuls les plus téméraires relient Bâle à Laufen d’un trait, sans faire halte à Aesch. Mais, ce serait alors une étape exténuante, bien trop longue pour la plupart. Ici, vous constaterez que malgré un dénivelé peu prononcé d’un bout à l’autre de l’étape, le parcours n’est pas exempt d’obstacles. Loin de suivre docilement la vallée, il danse avec les sommets, jouant avec les hauteurs.
Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du GR65. Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.
Pour ce chemin, voici le lien :
https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/de-aesch-a-laufen-par-la-via-jura-80-174895139
Difficulté du parcours : Quant à la difficulté du trajet, ne vous y méprenez pas. Si les dénivelés ne semblent pas insurmontables sur le papier (+402 mètres/-368 mètres), ils exigent tout de même un effort notable pour une étape aussi courte. Ainsi, cette portion se révèle ardue, à l’image de toutes celles qui composent les chemins escarpés du Jura suisse. Deux montées méritent une mention particulière : la première mène au château de Pfeffingen, mais la seconde, bien plus redoutable, vous conduit jusqu’au col de Blattepass. Après cela, le chemin se fait plus clément, hormis une descente brève mais vertigineuse sur Zwingen.
État de la Via Jura : L’état de la Via Jura en cette étape est un véritable bonheur pour les marcheurs. Le trajet, pour la plupart, se déroule sur des chemins :
- Goudron : 4.9 km
- Chemins : 12.1 km
Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous trouvez sur Amazon un livre qui traite de ce parcours.
Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.
Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.
Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.
Pour les “vrais dénivelés ”et pour les passionnés de véritables défis altimétriques, consultez attentivement les informations sur le kilométrage au début du guide.
Section 1 : En montée vers le Château-ruine de Pfeffingen
Aperçu général des difficultés du parcours : ici, cela devient sérieux, avec des pentes à plus de 15% par endroit. Même les descentes ne sont pas très légères.
Au cœur de Aesch, où les rues fourmillent de directions à explorer, le voyage vers Laufen est estimé à quatre heures et demie à pied.
Votre direction générale est la ruine du Château de Pfeffingen, et vous constaterez qu’il y a divers parcours pour y arriver. Vous suivrez toujours la Via Jura 80 pour ne pas vous perdre en route.
La Via Jura, fidèle à son nom, dévoile un panorama où se nichent des villas discrètes, protégées par des haies de thuya, comme des gardiennes silencieuses de leur intimité.
Cependant, au fur et à mesure que vos pas se font plus assurés, une transformation subtile prend place : la banlieue se métamorphose en une couronne majestueuse de forêts. L’urbanité cède le pas à la nature sauvage, où chaque pas en avant devient une rencontre avec la beauté brute de la nature. La banlieue se prolonge jusqu’à l’orée de la forêt, où la pente devient abrupte, excédant les 15%. Les résidents des quartiers périphériques ne doivent guère s’aventurer ici à pied, préférant peut-être l’intimité de leurs jardins.
Au sommet de la rampe pentue, quelques maisons modestes émergent timidement.
À l’entrée boisée, une aire de jeu marque une halte bienvenue pour de nombreux marcheurs, un banc leur offrant de recharger les batteries pour une suite qui s’annonce assez sportive.
Poursuivant sur un chemin de terre caillouteux, la montée se fait plus douce, menant vers le sommet de la colline du Eichberg. Ce sanctuaire boisé, où règnent en maîtres les chênes et les hêtres séculaires, dévoile une palette botanique d’une richesse insoupçonnée : charmilles élégantes, érables robustes, et même quelques châtaigniers se dressant fièrement au milieu des buissons florissants. « Eich » évoque non seulement les chênes prolifiques mais aussi les majestueux hêtres qui ne cèdent en rien à leur splendeur.
De ce point culminant, un panorama s’étend à perte de vue : au loin, la Tour de Roche, gardienne de l’histoire industrielle de Bâle, semble veiller silencieusement sur le paysage. À vos pieds, l’entrée encaissée de la vallée de la Birse révèle le château d’Angenstein, perché tel un faucon sur son éperon rocheux, un vestige éloquent du pouvoir des seigneurs féodaux qui ont marqué cette terre. Ce bastion, comme ceux en ruines de Bärenfels et celui de Pfeffingen, rencontré plus tard sur le chemin, joua un rôle crucial dans les luttes régionales opposant les évêques de Bâle, vassaux des Habsbourg, aux comtes de Ferrette, voisins en France. Les évêques de Bâle, même après leur adoption de la Réforme et leur déménagement à Porrentruy, conservèrent leur statut de princes du Saint Empire romain germanique, propriétaires du canton actuel du Jura, du Jura bernois, et du Laufonnais depuis le Moyen Âge jusqu’au début du XIXe siècle.
Le large chemin devenu caillouteux montre encore plus haut en pente douce dans la forêt.
La Via Jura, désormais longeant la crête, frôle les falaises, par de modestes chemins forestiers qui serpentent parmi les feuillus, surtout les chênes et les hêtres. Le décor est somptueux, sauvage, et le chemin se faufile souvent entre les rochers déchiquetés et les racines des arbres qui encombrent le chemin.
La nature calcaire de la crête offre un décor théâtral, où les hêtres élancés et les chênes majestueux dominent le paysage, tandis que les érables plus modestes et les noisetiers parsèment le sol de leur ombre délicate. Les broussailles sont rampantes sur le chemin tortueux.
En contrebas, la semi-autoroute se déroule dans la plaine comme un ruban d’asphalte vers Laufen, un rappel vivant du contraste entre la tranquillité des hauteurs et l’activité constante de la vie moderne en contrebas.
Plus loin, toujours sur les hauteurs, le chemin s’élargit à nouveau, se civilisant sous l’ombre majestueuse des grands arbres.
Au milieu des feuillus, on aperçoit même quelques cerisiers égarés, leurs branches chagées de fleurs au printemps, ajoutant une touche de poésie et de couleur à ce tableau naturel.
Le chemin reste encore un peu dans ce décor somptueux de sous-bois, amorçant progressivement la descente…
…avant de découvrir les hauteurs de Pfeffingen, bourg limitrophe d’Aesch, ses nouvelles villas s’étagent du fond de la vallée vers les cimes, une vision qui capte l’évolution urbaine tout en conservant le charme naturel de la région. Tout au loin, à l’horizon, se dresse encore la Tour de Roche à Bâle, comme un phare rappelant la présence de la ville et son histoire industrielle.
Un large chemin dévale alors à travers les prés en direction du majestueux château de Pfeffingen, offrant une vue imprenable sur l’horizon où Bâle se profile distinctement.
La descente est brève, et aussitôt le large chemin remonte dans les prés vers les ruines du château.
Ce chemin de terre rejoint ensuite une petite route asphaltée qui serpente d’abord vers Waldschule, une institution dédiée à la rééducation des jeunes en difficulté, puis vers les imposantes ruines du château. Ici, la pente se fait à nouveau ressentir, affirmant sa présence dominante.
Votre direction sur la via Jura 80 est marquée Blauen/Laufen.
La route conduit finalement aux abords des ruines du château. Les ruines sont très légèrement à l’écart de la Via Jura.
C’est un site spectaculaire où la tradition rapporte que ces vestiges magnifiques, d’une origine mystérieuse, furent donnés par les Habsbourg à l’évêque de Bâle, avec tout le territoire jusqu’à la frontière d’Alsace, situé sur la rive gauche de la Birse. Octroyé en fief aux seigneurs de Pfeffingen, le château passa ensuite par mariage aux mains de la famille Thierstein, en constante hostilité avec les évêques de Bâle. Les conflits entre ces deux factions furent incessants jusqu’à l’extinction des Thierstein au début du XVIe siècle, moment où le château revint finalement sous l’autorité des évêques de Bâle. La guerre de Trente Ans marqua le déclin irréversible du château, négligé par l’administration épiscopale qui ne sut assurer son entretien.
Aujourd’hui, les ruines, propriété du canton de Bâle-Campagne, témoignent encore de la grandeur passée des Thierstein avec leurs ponts enjambant les douves, leurs pont-levis, leurs tours, ainsi que le donjon résidentiel à l’architecture régulière ovale. En 1761, les bâtiments, déjà inhabitables, furent vendus pour être démolis. Récemment, le canton a généreusement investi pour stabiliser les parties menaçant de s’effondrer, préservant ainsi ce patrimoine remarquable et sa mémoire vivante.
D’ici, votre prochaine notoire est Blauen, à plus de deux heures d’ici.
Après avoir laissé derrière vous les vestiges du château, un chemin forestier s’enfonce brièvement dans les bois frustes, menant à la clairière lumineuse de Kleini Weid, où même quelques vignes trouvent leur place parmi les arbres fruitiers. A l’horizon, de découpe l’antenne de Eggflue.
Derrière la butte, vous voyez encore les ruines du château, dans un décor suspendu de bois et de pâturages.
À l’horizon se dresse imposante l’antenne du Eggflue, dominant les hauteurs de la colline, ou peut-être même de la montagne, selon la perspective. Le chemin de terre monte alors avec une cadence plus affirmée en direction de ce repère.
Bien que le chemin n’atteigne pas directement l’antenne, il s’apaise légèrement pour rejoindre le Grosse Weid, perché à 523 mètres d’altitude, à trois heures et demie de marche de Laufen. Si l’on consulte la carte du parcours, on pourrait aisément confondre une certaine proximité avec l’autoroute A18 près de Nenzligen. Cependant, cette impression est trompeuse, car ce tronçon de la RN18, momentanément transfiguré en autoroute, se faufile en réalité sous terre, à travers ce qu’on appelle le Tunnel de Eggflue. Ainsi, vos pas vous portent près de 200 mètres au-dessus de ce tunnel !
Section 2 : Il vous faudra affronter les pentes du Blattepass
Aperçu général des difficultés du parcours : ici, cela devient sérieux, avec des pentes à plus de 15% par endroit.
Le chemin serpente et ondule à travers un bois mixte, où les épicéas se mêlent harmonieusement aux feuillus. Il descend par endroits pour mieux s’élever ensuite, chaque portion révélant la splendeur sauvage et saisissante de cette forêt régionale. La forêt devient une cathédrale de verdure, où les branches des arbres s’entrelacent pour former une voûte céleste. Les rayons de soleil filtrent à travers le feuillage, créant des jeux de lumière et d’ombre qui dansent sur le sol forestier.
Dans ce bois enchanteur, empreint de magie naturelle, les châtaigniers et les érables, tels des artistes en quête de reconnaissance, ajoutent leurs touches de couleurs et de textures au tableau végétal dominé par les imposants hêtres et chênes. La douceur de la pente invite à une marche sereine, une méditation en mouvement à travers ce paysage poétique et envoûtant.
Puis, changement de décor : une brève mais raide montée dans un sentier étroit vous mène au site fascinant de Glögglifels, le « rocher de la petite cloche ».
Ce lieu avait une importance capitale au Moyen Âge, faisant partie intégrante du chemin reliant Delémont à Bâle. La légende raconte qu’en plus du sentier pédestre traversant la forêt, une voie taillée à même la roche permettait aux carrosses de contourner les falaises abruptes dominant la vallée. Sur ce rocher, les blasons de Berne et de Bâle sont gravés, séparés par une rainure verticale marquant une frontière ancienne entre ces deux cantons. À une époque où le canton du Jura n’existait pas encore, Berne et Bâle étaient voisins plus proches. On dit aussi que la vue d’un visage fantomatique et d’une inscription gravée sur la pierre incitait les voyageurs à accélérer le pas. Ce chemin contournait les postes de douane établis le long de la Birse ; pour obtenir le passage, il suffisait de faire tinter la cloche accrochée au rocher, signalant ainsi le besoin d’assistance. Bien sûr, la tentation de faire retentir cette cloche aujourd’hui encore sera irrésistible, même si personne ne répondra à votre appel.
En dessous dans la plaine, circulaient peut-être les douaniers, qui devaient fermer les yeux sur le trafic.
Le chemin se faufile ensuite à travers la forêt, puis entame une descente régulière à travers les prés. Mieux vaut passer ici lorsque les fusils ne sont pas chargés. Heureusement, la tradition suisse ancestrale concernant la poudre à canon semble se dissiper quelque peu, à l’exception des tirs obligatoires des soldats, une fois par an, quoiqu’il existe encore de nombreux coins de Suisse où on s’adonne encore à ces jeux funestes.
Dans les bois, les hêtres somptueux se dressent droits comme des colonnes de marbre, soutenant la voûte verte de la forêt. Leurs troncs élancés et majestueux, lisses et gris, créent un contraste saisissant avec les chênes robustes et noueux qui les entourent. Les hêtres, tels des gardiens silencieux, offrent un spectacle impressionnant de hauteur et de régularité, conférant à la forêt une atmosphère de cathédrale naturelle.
Entre les champs verdoyants et les bosquets, la route de terre dévale en direction de Nemlingen, sans toutefois atteindre le village. À l’orée de celui-ci, la Via Jura bifurque vers la droite pour s’élever vers le col du Blattepass.
L’ascension vers le col mérite bien son effort. La pente, bien que pas toujours sévère, représente tout de même un dénivelé de 150 mètres sur près de 2 kilomètres. La large route de terre passe au-dessus de chez Ricola. Oui, vous avez bien entendu : Ricola, le fameux bonbon suisse des Alpes, connu et apprécié à travers le monde entier. À proximité, Ricola a aménagé une sorte de jardin botanique, cultivant les 13 espèces florales qui entrent dans la composition de ses bonbons. Il est-il donc fortuit qu’il n’y ait pas une seule vache ni une seule ferme dans cette région depuis la ville de Bâle ? Peut-être est-ce pour laisser les plantes croître en toute quiétude, récoltées avec soin par des mains agiles ? L’usine Ricola se trouve à Laufen, et certaines mauvaises langues disent que les chimistes sont également présents sur place. Mais, ce n’est pas votre problème.
La route de terre est large, et vos pas crissent sur les cailloux, augmentant encore le sentiment de pente.
À mesure que vous gravissez les prés, prenant votre temps à chaque pas laborieux, vous pouvez observer en direct une partie du chemin qui vous attend. Le village de Blauen se détache devant vous, tandis qu’au fond de la vallée se profile Zwingen, où vous passerez plus tard.
Et la route monte toujours, imperturbable dans ce décor dépouillé de prairies, où un rare banc vous invite parfois à vous asseoir.
Il y a de nombreux et beaux noyers qui ornent les prairies par ici.
Plus haut, la route de terre se rapproche plus d’un chemin forestier. Elle progresse graduellement à travers la forêt nommée ici du Cuenisberg, où la pente s’adoucit progressivement. Cette région semble principalement exploiter le hêtre. Les hêtraies, chênaies et charmaies constituent tout un lexique botanique, enrichi par les fleurs qui accompagnent ces arbres, telles que les aspérules et les luzules. Tout cela dépend largement du sol, influencé par des facteurs comme l’humus et le pH, qu’il soit acide ou neutre. C’est un sujet de querelle parmi les experts. Le hêtre règne en maître ici, une essence qui préfère l’ombre, comme le châtaignier. Lorsque le sol est profond et fertile, le hêtre pousse droit et haut, formant de véritables colonnades. En revanche, un sol appauvri et pierreux freine sa croissance, le condamnant à rester trapu et de petite taille. Au sein de ces hêtraies, on trouve également des essences qui préfèrent la lumière, telles que le chêne, le pin sylvestre, le sapin blanc, l’érable, le noisetier, le cornouiller ou le sureau.
Le pylône de la ligne à haute tension marque le sommet de cette montée. Les organisateurs de Schweiz Mobil vous ont fait le plaisir de vous balader là-haut, à une altitude plus élevée que celle du col !
À travers le dédale forestier du Blauerberg, chaque pas résonne comme une symphonie de feuillages et de murmures. Le chemin serpente en douce descente avec une grâce timide entre les majestueux conifères, les hêtres altiers et les châtaigniers graciles, leurs troncs semblables à des colonnes solennelles dressées vers le ciel. Les cimes effleurent un voile azuré qui se déploie au-dessus d’eux, cherchant l’étreinte céleste qui leur échappe toujours, comme si elles tentaient de capter un fragment de l’infini.
C’est un chemin étroit qui dodeline dans le sous-bois au-dessus d’une modeste toute de campagne qui se dirige vers le col.
A deux pas, c’est le col du Blattepass, modeste vers le col, loin des sommets imposants des Alpes, culminant à 571 mètres d’altitude. Là, une aire de pique-nique accueille un banc massif où seuls les géants pourraient dignement s’asseoir. Toute tentative humaine se voue à l’échec face à cette relique colossale, témoin d’une nature imposante et indomptée. Au carrefour confus des chemins, il est impératif de suivre avec précision la Via Jura 80, guidant les voyageurs vers Laufen, à deux heures et demie de marche.
La balade se prolonge ici à travers la paisible forêt de Blauerberg, parmi les grands hêtres dont les feuilles bruissent doucement au passage du promeneur. La pente du chemin ondule en une caresse à peine perceptible, sous le tapis naturel de feuilles et de mousse qui amortit chaque pas.
Section 3 : Retour progressif vers la plaine, entre prés et sous-bois
Aperçu général des difficultés du parcours : descente régulière, en pente sans grande difficulté.
La forêt est douce ici, et le chemin généreux, sous les grands arbres pourvoyeurs d’ombre.
Les clairières s’ouvrent ensuite, une après l’autre, comme des tableaux éphémères dans le théâtre vert de cette nature préservée. Chaque espace découvert dévoile une nouvelle facette du paysage, un jeu de lumière et de couleurs changeant au gré des saisons.
Le chemin de terre battue, nommé Blattenweg par les habitants en raison de sa direction vers le col, oublie alors la forêt sombre et se déploie gracieusement à travers les prés où prospèrent les noyers arbres fruitiers, leurs branches chargées d’une promesse de récolte future.
Plus bas, le chemin de terre devient mauvaise route asphaltée et serpente comme une rivière tranquille à travers ce paysage pastoral, invitant au voyage et à la rêverie.
La route atterrit bientôt à Blauen, petit village agricole sur la hauteur.
À Blauen, les croix et les symboles religieux se dressent fièrement, témoignant d’une histoire tourmentée. Dans le Canton de Bâle-Campagne, majoritairement protestant bien que comptant un tiers de catholiques, l’impact de la création du canton du Jura en 1978 s’est fait profondément ressentir. Cette évolution historique a isolé le Laufonnais, région germanophone autour de Laufen où nous cheminons, du reste du canton de Berne. Après une résistance initiale en 1983, le Laufonnais a finalement intégré le canton de Bâle-Campagne en 1989, affirmant ainsi son attachement à ses racines catholiques, à l’instar du Jura tout entier.
Ici, vous êtes à 45 minutes de Zwinglen, et à 1h 45 de Laufen.
À travers le village en déclinant, la route traverse encore une jolie chapelle, ajoutant une touche de piété à l’atmosphère paisible.
Plus bas, la Via Jura quitte la route principale pour trouver un chemin de terre, baptisé le « Hardweg ». En allemand cela peut se traduire littéralement par « chemin difficile ». Cependant, dans le contexte de la toponymie ou des noms de lieux en Allemagne et en Suisse, « Hardweg » est souvent utilisé pour désigner un sentier ou une route qui traverse une région boisée, particulièrement une forêt de hêtres. Rassurez-vous, c’est les deux, ce qui suggère un cheminement à travers un paysage boisé et potentiellement exigeant. Pourtant, au départ, l’approche est aisée et franchie le sourire aux lèvres, jusqu’aux portes de la forêt.
Section 4 : La Via Jura retrouve la Birse
Aperçu général des difficultés du parcours : une descente terrible sur Zwingen, puis les vacances.
Dès l’entrée dans le bois, la pente se fait menaçante, comme un géant endormi prêt à vous défier. Le chemin étroit virevolte en virages serrés, recouvert d’un tapis de feuilles glissantes qui chuchotent sous vos pas. La végétation environnante, rampante et sauvage, semble vouloir vous enlacer, et les rares gros arbres, absents pour vous retenir en cas de glissade, laissent place à une danse d’ombres mouvantes.
Ce sentier, surnommé « l’Impossible » par de nombreux marcheurs et pèlerins, est une épreuve incontournable, malgré les murmures et les soupirs qui l’accompagnent. Par temps sec, il s’impose déjà comme un défi redoutable ; sous la pluie, il se transforme en un véritable cauchemar. Le chemin serpente capricieusement à travers des pentes qui dépassent souvent les 35 %, offrant un défi inégalé sur 500 mètres, où chaque pas devient une conquête héroïque.
Plus bas, la pente se calme momentanément, offrant un répit trompeur. Et lorsque, émergeant de la forêt, vous découvrez Zwingen à vos pieds, un soulagement mêlé d’épuisement vous envahit, comme une vague qui se retire après avoir tout donné. Un banc, non placé ici par hasard, se trouve à la lisière du bois. Assis, vous soulagez vos articulations et votre musculature après cette descente dantesque, et la vue vertigineuse vers le bas vous rappelle que l’effort n’a pas encore atteint son paroxysme.
En effet, un sentier tout aussi vertigineux se glisse entre les prés et une haie, serpentant avec une insouciance trompeuse vers le bourg. Chaque instant sur ce chemin exigeant est une ode à la persévérance et à la beauté brute de la nature, une épreuve qui sculpte l’âme et le corps.
La Via Jura descend alors en douceur par de petites routes jusqu’au bourg.
Les signes religieux sont aussi très présents ici.
Là, vous retrouvez la N18. Aesch-Zwingen par la route, c’est seulement 8 km, une distance vite parcourue en 9 minutes. Pourtant, votre périple en a fait un peu plus, n’est-ce pas ?
La Via Jura traverse la Birse, calme en ce lieu, pour atteindre le cœur du bourg (2100 habitants).
Au bout de la rue centrale, se dresse majestueusement le château.
Le château de Zwingen est bordé de trois côtés par la rivière. Le château de Zwingen est mentionné pour la première fois dans un acte de 1312, époque à laquelle il appartenait à la famille de Ramstein, sous la suzeraineté des évêques de Bâle. A l’extinction de cette maison, dans la seconde moitié du XlVe siècle, le château fit retour à l’évêché, après un long procès. Dès cette époque et jusqu’à la Révolution française, il fut habité par les baillis du prince. Vendu après la Révolution, il passa par plusieurs mains, et fut acheté en 1913 par la papeterie de Zwingen, qui comme toutes les papeteries au bord de l’eau, ferma ses portes au début du XXIe siècle. Depuis 1993, le château est la propriété de la municipalité de Zwingen et des concerts, des événements et des fonctions y sont organisés à intervalles irréguliers. La visite libre du château n’est pas possible.
Le château se composait, au temps des baillis, de deux groupes de bâtiments formant deux îles juxtaposées et baignées par les eaux de la Birse, qui étaient amenées dans des canaux artificiels servant de fossés au château. Ces bâtiments étaient reliés l’un à l’autre et avec l’extérieur par trois ponts : l’un donnait sur la route de la vallée, le second faisait la liaison entre les deux îles, et le troisième, un pont-levis, assurait les communications avec le village. Aujourd’hui, une partie du château subsiste, comprenant le donjon et la chapelle, tandis que les logements, écuries et autres dépendances ont disparu au fil du temps. Deux des ponts historiques demeurent, témoignant du passé prestigieux du site, désormais partiellement administré par la commune, comme en témoignent les panneaux d’entrée.
La Via Jura poursuit son chemin vers la gare, le long de maisons bien tenues, sans architecture particulière.
La traversée de la voie de chemin de fer est assez complexe.
De l’autre côté de la gare la Via Jura traverse le Lüssel, un petit ruisseau sans grande eau.
Le parcours sort alors la route près des petites villas de la banlieue du bourg. Il suit le tracé de la voie ferrée du Lausanne-Bâle.
La terre battue remplace bientôt le goudron, prolongeant le chemin le long des rails, dans un paysage de campagne où il n’y a rien d’enthousiasmant, si ce n’est parfois le passage du train.
Plus loin, sur la route de terre monotone, la présence d’une carrière en activité brise la quiétude du paysage. Le bruit des machines et le mouvement constant des travailleurs contrastent avec la sérénité de la nature environnante.
Encore plus loin, la route traverse une petite zone industrielle. Le Chemin de Compostelle a l’habitude d’arriver aux abords des villes en passant par ces zones d’activité humaine, où le tintement des outils et le bourdonnement des ateliers racontent une autre histoire de l’effort humain.
Plus loin encore, les maigres usines cèdent le pas à une région plus pastorale, avec le franchissement du ruisseau de Diebach, qui, un peu plus loin est accompagné par le murmure rafraîchissant d’une cascade.
Vous vous approchez alors de la ville, passant par la piscine, avant de franchir la voie de chemin de fer.
Peu après, la route franchit la Birse, guidant vos pas vers le cœur historique de la cité.
Les maisons patriciennes remplacent alors progressivement les immeubles plus conventionnels de la banlieue.
Vous pénétrez alors les ruelles vivantes de la cité, jusqu’à l’une des portes anciennes qui mène à la vieille ville.
Ici, l’architecture est très similaire à celle d’autres petites villes suisses, dont la perle est Morat. Sur le Chemin de Compostelle, vous trouverez un modèle semblable à Willisau, dans le canton de Lucerne, ou encore au Landeron et à La Neuveville, près du lac de Bienne. C’est une grande place centrale, bordée de maisons patriciennes, avec des boutiques et des commerces. Des statues parsèment l’espace, ajoutant une touche de majesté. L’ensemble dégage un charme inouï, où chaque élément architectural raconte une histoire, où chaque façade témoigne du riche passé de la région. Les boutiques et les commerces ajoutent une vivacité contemporaine, attirant les pèlerins et les visiteurs dans un ballet constant d’activités.
Laufen, capitale du Laufonnais avec ses 5’600 âmes, est étroitement liée au canton de Bâle-Campagne. Appelée Laufon en français, elle fut jadis le siège d’un département français durant la Révolution, avant d’être réintégrée au canton de Berne par Napoléon en 1815. Bien que voisine de la Suisse romande, le français se fait rare ici, tout comme l’allemand à Delémont, sa voisine. Le joyau médiéval de Laufen réside indubitablement dans sa vieille ville, où une artère centrale serpente entre les portes historiques, notamment la porte supérieure, surnommée « Zeitturm ». Ornée d’un imposant cadran et d’une horloge astronomique, cette tour incarne le charme et l’ingéniosité de l’ère médiévale, figée dans le temps et l’histoire.
Logements sur la Via Jura
- Hôtel Central, Röschenzstrasse 3, St Jakobstrasse, Laufen; 061 761 61 03 ; Hôtel***, repas, petit déj.
Le Jura demeure une destination prisée avant tout par les touristes locaux. En conséquence, les hébergements se font plus discrets, à l’exception des Airbnb, pour lesquels nous ne disposons pas des adresses. Das cette étape, il n’y a rien avant d’arriver à Laufen, si ce n’est la possibilité de se restaurer à Zwingen. Et à Laufen ce n’est guère le choix pour se loger : il n’y a qu’un hôtel, même si les restaurants sont assez nombreux. Dès lors, si l’hôtel n’est pas disponible, il ne vous reste qu’a essayer les Airbnb sur internet, qui ne sont pas légion non plus dans la région. Réservez donc impérativement à l’avance, pour ne pas passer la nuit à la belle étoile.