Sur les traces de Guillaume Tell
Dans les trames de l’histoire, le nom de Küssnacht se tisse avec des fils d’or narratifs, évoquant l’écho lointain de Cossinius, une figure enveloppée dans le manteau de l’antiquité romaine. Accompagné du suffixe celtique, il devient Cossiniacus, murmurant l’histoire d’un domaine qui a traversé les âges, depuis l’époque où les Gallo-Romains arpentaient ces terres. Malgré l’absence de témoignages de pierre de leur présence, l’ombre de ces ancêtres plane sur la région, insaisissable mais indéniable, jusqu’à l’arrivée des Alamans au VIIème siècle. C’est sur cette scène que se déroule le drame légendaire de Guillaume Tell, confronté au bailli autrichien Gessler, une histoire qui se noue au cœur de Küssnacht, telle une étoile filante traversant le ciel de l’histoire suisse. Avec l’émancipation de Lucerne du joug des Habsbourg au XIVème siècle, un nouveau chapitre s’ouvre, faisant de Küssnacht l’enfant chéri de Lucerne, éclipsant les seigneuries locales et leurs châteaux dans l’oubli, comme Gesslerburg qui sombra dans les ombres de 1352. Alors que le temps filait, l’influence de Lucerne se dissipait comme brume au soleil, au profit de Schwyz, qui établissait son empreinte douanière dès 1383. Küssnacht, fidèle à cette nouvelle allégeance, jurait des droits fonciers avec Schwyz en 1424, un serment qui résonne encore à travers les âges. Un tel destin contraste vivement avec celui de Vitznau et de Weggis, joyaux appartenant jadis à Lucerne dans l’écrin de Schwyz, naviguant entre les mains des Habsbourg avant de se révéler comme des républiques libres, étoiles dans le firmament suisse, avant que leur liberté ne soit vendue à Lucerne en 1380. Aujourd’hui, Vitznau, Weggis et Greppen sont des perles enchâssées dans la couronne de Lucerne, des communautés qui murmurent encore les contes du Rigi.
Le passage de figures illustres telles que Goethe, du roi bavarois Ludwig II et du roi portugais Dom, a tissé dans le tissu de Küssnacht un fil d’argent, ajoutant à son éclat. Mais c’est la tragédie de la reine Astrid de Belgique qui a marqué la ville d’une empreinte indélébile, une étoile filante dont la lumière s’est éteinte trop tôt dans une tragédie mécanique en 1935, laissant un écho de mélancolie dans les rues de Küssnacht.
Nous avons divisé l’itinéraire en plusieurs sections, pour faciliter la visibilité. Pour chaque tronçon, les cartes donnent l’itinéraire, les pentes trouvées sur l’itinéraire et l’état du parcours (routes ou chemins). Les itinéraires ont été conçus sur la plateforme “Wikilocs”. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir des cartes détaillées dans votre poche ou votre sac. Si vous avez un téléphone mobile ou une tablette, vous pouvez facilement suivre l’itinéraire en direct.
Pour ce chemin, voici le lien :
Difficulté du parcours : Les dénivelés (+659 mètres/-655 mètres) restent majeurs. C’est un ballet de montées et de descentes, une danse avec la terre qui défie l’endurance, entre les assauts éreintants de la première côte avant Weggis. Par la suite, le parcours ondule sans cesse, avec des dénivelés moins importants, avec de nombreux passages quasi à plat sur le bord du lac.
État de la Via Jacobi : Le parcours se partage entre l’asphalte et les chemins :
- Goudron : 11.0 km
- Chemins : 9.7 km
Ce n’est évidemment pas le cas pour tous les pèlerins d’être à l’aise avec la lecture des GPS et des cheminements sur un portable, et il y a encore de nombreux endroits sans connexion Internet. De ce fait, vous trouverez sur Amazon un livre qui traite de ce parcours.
Si vous ne voulez que consulter les logements de l’étape, allez directement au bas de la page.
Parfois, pour des raisons de logistique ou de possibilités de logement, ces étapes mélangent des parcours opérés des jours différents, ayant passé plusieurs fois sur sur ces parcours. Dès lors, les ciels, la pluie, ou les saisons peuvent varier. Mais, généralement ce n’est pas le cas, et en fait cela ne change rien à la description du parcours.
Il est très difficile de spécifier avec certitude les pentes des itinéraires, quel que soit le système que vous utilisez.
Pour les “vrais dénivelés ”et pour les passionnés de véritables défis altimétriques, consultez attentivement les informations sur le kilométrage au début du guide.
Section 1 : Une montée et une descente qui se méritent
Aperçu général des difficultés du parcours : parcours difficile, avec des pentes prononcées, autant en montée qu’en descente.
Si vous avez passé la nuit près du lac, il faut revenir au niveau du départ du train vers le Rigi, pour trouver les panneaux de direction.
En ce lieu, vous réaliserez que la Via Jacob 98 n’est qu’un fil parmi l’entrelacs des sentiers qui s’offrent à vous. Autour, une myriade de chemins se déploie, tissant une toile vers la montagne du Rigi, invitent les âmes aventurières à découvrir ses secrets sur la montagne.
La grande aventure du jour ne vous accordera pas de trêve dès les premiers pas. Oubliez les douces mises en jambe ; ici, l’ascension se fait sentir dès les premières foulées. Vous grimperez les pentes, franchissant les seuils des demeures luxueuses qui ponctuent le bourg, comme si vous conquériez les marches d’un palais céleste dissimulé parmi les cimes.
La route danse le long du Müllibach, serpentant entre les murmures de l’eau, puis, avec une grâce audacieuse, entame son ascension parmi les villas fraîchement édifiées, une oasis de modernité nichée au cœur de la montagne.
Pourtant, le bourg n’est pas un uniforme tableau de modernité. Ici et là, se dressent, fiers et inébranlables, des chalets en bois hérités du siècle passé, sous leurs toits de bois vieilli par le temps et les éléments.
Peu à peu, la route s’écarte du cœur battant du bourg. L’église, telle une sentinelle du passé, se détache encore sur l’horizon, rappelant que Vitznau repose sur des terres de profonde foi catholique, ancrées dans les traditions de Lucerne et Schwyz, cantons gardiens d’un héritage séculaire.
S’élevant encore, le regard embrasse un panorama sans pareil : le bourg se dévoile dans toute sa splendeur, étendu jusqu’au lac, tandis que l’Unter Nas et le Bürgenstock se profilent à l’horizon, gardiens de secrets bien gardés, ceux de la défense militaire suisse pendant les sombres heures de la dernière guerre mondiale.
À cet instant précis du voyage, le chemin vous offre une décision : la bifurcation vers la majestueuse montagne du Rigi s’ouvre devant nous. L’ascension vers ce sommet demande près de quatre heures, un véritable engagement, tandis que le parcours vers Weggis, où serpente la Via Jacobi 98, ne requiert que deux heures.
Bientôt, la route épouse le bord de la falaise, flirtant avec l’abîme dans un ballet audacieux. La terre semble s’ouvrir, invitant le voyageur à contempler l’horizon infini, où le ciel embrasse la terre dans une étreinte éternelle.
Et c’est ainsi que se révèle un quartier résidentiel d’un nouveau genre, où les demeures semblent embrasser la montagne, creusées dans son cœur même. Ces habitations, avec leurs terrasses sculptées à même la roche, rivalisent de beauté et de modernité avec le “Park Hotel Vitznau” et ses cinq étoiles, qui se dresse fièrement sur son promontoire, surplombant le lac. Lucerne, bien que située dans le canton de Schwyz, démontre ici une opulence tapageuse et indéniable.
En progressant, la route rencontre le Wilidibach, offrant à nouveau un carrefour vers le Rigi. Autrefois, la Via Jacobi 98 se frayait un passage ici. Aujourd’hui, elle préfère la compagnie de la route, passant devant un petit oratoire qui se tient modestement au bord du chemin, comme un gardien de la foi et de l’histoire de ces terres.
La montée se révèle ardue, exigeante, avec une inclinaison oscillant entre 10% et 15%. Elle serpente à travers des hameaux éparpillés, tel Ebnet, où le temps semble s’être arrêté. Ici, les fermes isolées, éparpillées avec parcimonie, arborent fièrement l’allure de vieux chalets alpins, plus que de simples lieux de labeur agricole. Leurs silhouettes robustes et accueillantes se dressent comme des monuments à la vie montagnarde, en harmonie parfaite avec la nature qui les entoure.
À chaque tournant, l’horizon se déploie en un spectacle grandiose, offrant une vue imprenable sur les bateaux de croisière qui dessinent de lentes arabesques sur l’eau. Lucerne semble presque à portée de main, nichée au bout du lac, sous le regard bienveillant du Pilate, se dérobant et se révélant au gré des nuages.
Plus loin, la route fait la cour au Speuzibach, s’épanouissant dans une prairie où paissent tranquillement les vaches Braunvieh, véritables fiertés de la Suisse orientale. Ces bovins, avec leur pelage brun et leur allure paisible, incarnent l’esprit de la région, un symbole vivant de tradition et de qualité qui se transmet de génération en génération.
Parmi le vert éclatant des prés, se dressent également quelques châtaigniers, témoins de la biodiversité locale. Encore une fois, une bifurcation s’offre aux voyageurs, un chemin détourné vers le Rigi, qui, bien que tentant, n’est pas votre destinée aujourd’hui.
À cet instant du périple, la route se met à dessiner des arabesques sur les flancs de la montagne. Elle se tord et se retourne en lacets, dans un ballet gracieux avec la nature. Plus haut, dissimulée au lieudit Wilen, une place de pique-nique invite au repos, promettant une halte bienvenue dans l’écrin de verdure, à seulement une heure et trente minutes de Weggis.
La montée persiste, s’obstine, grimpant vers les cieux. Ici et là, une ferme isolée ponctue le paysage, entourée de vaches grises qui paissent tranquillement dans les prés. C’est un tableau vivant de la Suisse immuable, une scène qui semble extraite d’un conte ancestral.
En jetant un regard en arrière, Vitznau se révèle, niché dans son écrin de montagnes, une perle précieuse lovée au pied des neiges éternelles. L’hôtel cinq étoiles brille tel un joyau, un bonbon de sucre posé délicatement sur le velours vert des vallées. De cet angle, il est clair que les résidents de ce lieu privilégié jouissent d’un panorama sans limite, une fenêtre ouverte sur l’infini qui défie toute notion d’horizon bouché.
Dans cette douceur enveloppante de la campagne, il serait facile de marcher des heures durant, si ce n’est la sueur parfois perlant sur le front, rappel constant de l’effort consenti.
Mais l’aventure ne connaît pas de répit, et plus haut, de nouveaux défis attendent les voyageurs. À peine dépassé le lieudit Kürziweg, la Via Jacobi décide de s’écarter de la route, s’engageant sur un sentier étroit, tel un appel à l’exploration des recoins les plus secrets de la montagne.
Et soudain, le sentier se fond dans la clairière, se perdant dans le mystère du sous-bois.
Dès lors, apparaissent devant vous de modestes escaliers, dessinés grossièrement dans l’herbe comme autant de marches vers l’inconnu. Chaque pas vous rapproche un peu plus de l’apothéose, de cette récompense tant méritée au sommet de la colline.
Et là, au détour du sentier, un banc solitaire se dresse, tel un refuge pour les âmes épuisées, un havre de paix au cœur de la nature sauvage.
Et toujours, le chemin s’élève, insatiable, comme s’il défiait le ciel lui-même. Les pas résonnent sur le sol, emplis de détermination et de courage, guidés par la lueur de la clairière qui scintille au loin. Sur le sentier, des rondins de bois jalonnent la route, témoins silencieux de l’ingéniosité humaine face aux caprices de la nature, comme une ancre solide dans l’océan tumultueux de la montagne. Vous trouvez la signalisation rouge-blanc, qui en Suisse n’est pas la marque d’un GR (chemin de grande randonnée), mais qui vous dit que vous marchez sur un chemin potentiellement délicat ou difficile.
Au sommet de cette ascension épique, un spectacle grandiose se dévoile : Weggis s’étale en contrebas, à la lisière du lac, tel un joyau étincelant dans l’écrin verdoyant des montagnes. C’est comme si le monde entier s’offrait à vos pieds, vous invitant à contempler la beauté infinie de la création.
Près d’une fontaine en bois, la descente s’annonce.
Le début de la descente n’est pas sans défis, avec ses escaliers de bois et sa rampe de fer, qui doivent sûrement être glissants par temps de pluie, ajoutant une dimension de danger à l’excursion.
Mais malgré ces obstacles, le chemin n’est pas à proprement parler dangereux, juste difficile. Il se fraye un chemin audacieux sous le couvert des pins, des érables, des châtaigniers et des hêtres, défiant les lois de la gravité avec une pente de plus de 30%, peut-être même davantage.
Plus bas, le sentier s’approche dangereusement de la falaise, comme pour tester les limites de l’audace humaine. Un tronçon de main courante apparaît, offrant un soutien bienvenu dans cette danse périlleuse avec les éléments. Cette portion du parcours rappelle étrangement les falaises abruptes du Seelisberg de l’autre côté, témoignant de la nature tourmentée de cette région.
Mais comme tout dans la vie, les défis s’adoucissent avec le temps. Plus bas, la forêt semble se calmer, abandonnant sa nature extrême pour une ambiance plus civilisée. Le chemin serpente doucement sous le couvert des arbres, des hêtres, des chênes, des châtaigniers et des épicéas, leurs troncs droits comme des baguettes de tambour, créant une belle symphonie silencieuse et alpestre.
Peu à peu, la silhouette de Weggis se dessine à l’horizon, à seulement une heure de marche d’ici, comme un rappel que même les aventures les plus épiques finissent par trouver leur conclusion.
Section 2 : Gymkhana au-dessus de Weggis
Aperçu général des difficultés du parcours : parcours difficile, avec des pentes prononcées, autant en montée qu’en descente.
La descente se poursuit, plus douce à présent, tandis que la forêt laisse filtrer les premiers rayons de lumière à travers son épais manteau de verdure. Les pas deviennent plus légers, les souffles plus réguliers, comme si la nature elle-même nous offrait une douce caresse après l’effort intense.
Cette descente, délicate pour certains, voire redoutable pour les moins aguerris, ne s’étend que sur moins d’un kilomètre. En se retournant, on peut constater avec surprise le chemin parcouru le long des falaises, tandis que devant vous, le lac se dévoile à nouveau, comme un vieux compagnon retrouvé.
Peu après, le sentier étroit vous guide au-dessus d’un pont, suspendu au-dessus d’un canyon profond. C’est comme si la nature vous défiait une dernière fois avant de vous laisser continuer.
Plus loin, le sentier serpente sur la crête, offrant un spectacle bucolique à souhait. Ici, la marche se fait sans trop d’efforts, comme si la montagne elle-même voulait vous récompenser pour votre endurance et votre détermination.
Tout au long de votre traversée, cette étendue boisée porte le nom évocateur de Chestenweid, signifiant littéralement « prairie aux châtaigniers » en allemand. Pourtant, parmi les majestueux châtaigniers, s’entremêlent également de robustes hêtres, quelques chênes rares et des épicéas, formant une symphonie végétale qui enchante les sens.
Peu après, le sentier étroit franchit le ruisseau de Lützerlauerbach, offrant un instant de fraîcheur et de pureté au milieu de cette nature luxuriante.
Et voilà, un dernier saut de cabri sur les rondins de bois, comme pour saluer la fin de cette immersion au cœur de la forêt.
Le chemin, enfin libéré de son écrin boisé, retrouve les contours familiers de la civilisation, avec ses bruits et ses mouvements. À seulement 45 minutes de Weggis.
La route se fraye un chemin sur les hauteurs de Weggis, offrant une vue imprenable sur le lac scintillant en contrebas. Un vaste lotissement s’étend depuis les rives jusqu’à ces altitudes, une vision que l’on peut contempler dès Gersau, où la route serpente en d’innombrables lacets pour rejoindre les sommets.
Bannholz marque un peu le bout de cette route sinueuse. C’est là que le bus fait halte, témoignant du réseau important des transports locaux.
Un peu plus loin, la route croise Bodenberg. Ici aussi, un sentier s’élève vers le Rigi, une alternative pour ceux qui préfèrent la marche à pied au confort du train ou du téléphérique.
Depuis Bodenberg, la route déambule à travers des villas au luxe ostentatoire, comme des joyaux nichés dans l’écrin naturel des montagnes.
Plus loin, la descente commence en direction de Weggis, révélant peu à peu la ville dans sa rade, avec le Pilate dominant l’horizon, tel un gardien bienveillant veillant sur Lucerne au loin.
Arrivés à cette bifurcation cruciale, il est temps de prendre une décision. Le parcours officiel de la Via Jacobi 98 contourne Weggis par les hauteurs. Cependant, une question persiste : pourquoi éviter un endroit aussi pittoresque ? C’est un mystère qui échappe à notre compréhension, car Weggis possède un charme indéniable qui mérite d’être découvert.
C’est pourquoi, à cet endroit précis, nous décidons de modifier notre itinéraire. Un chemin s’offre à vous, le Chesteneweg, le Chemin des châtaigniers, qui descend en direction de Weggis. Ce sentier promet une escapade pittoresque à travers la magnifique forêt de châtaigniers, jusqu’au départ du Luftseilbahn Weggis-Rigi-Kaltbad, le téléphérique qui transporte les voyageurs vers les sommets du Rigi depuis Weggis.
C’est un adorable petit sentier qui sillonne le sous-bois dense. La pente n’est pas trop sévère.
À la sortie du sous-bois, un spectacle enchanteur se dévoile : devant vous s’étend Weggis, paisible et accueillant, avec son église qui se dresse fièrement comme un phare au cœur de la ville.
Plus bas, le sentier se fond dans une route goudronnée, vous rapprochant de la ville.
La descente se poursuit alors en direction du départ du téléphérique pour le Rigi.
Weggis n’est plus qu’à deux pas d’ici. Les panneaux indicateurs nous guident non seulement vers cette charmante bourgade, mais aussi vers d’autres destinations telles que Küssnacht, offrant une multitude de possibilités pour les voyageurs avides de chemins de découvertes variés.
Le parcours continue sa descente, rejoignant bientôt une route plus passante plus bas.
Le parcours vous guide à travers un tunnel, vous permettant de traverser la route en toute sécurité…
…avant de se diriger résolument vers le cœur battant du bourg de Weggis, où résident environ 4’500 habitants.
En chemin, vous croisez la silhouette de l’église, témoin de la longue histoire de cette communauté et repère familier pour les habitants.
Au bord du lac, la ville s’anime, ses hôtels fleurissant tels des oasis de luxe au bord des eaux scintillantes. Weggis se révèle comme une destination touristique prisée, attirant les visiteurs en quête de tranquillité et de beauté naturelle. Et tout comme à Vitznau, le canton de Lucerne a déménagé dans le canton de Schwyz.
Nous avons passé la nuit ici, et le lendemain le temps était à la pluie. Alors, nous allons changer de période et continuer le parcours sous un jour de ciel voilé, au début du printemps. L’atmosphère est toujours identique, charmante, quel que soit le temps au bord du lac.
Les chemins sont très nombreux ici, notamment vers le Rigi que l’on atteint en 4 heures de marche. La Via Jacobi 98 n’est pas mentionnée, car nous sommes sortis du parcours. Il faut donc ressortir du bourg pour rejoindre la Via Jacobi 98, direction Küssnacht.
La route débute à proximité de l’église, serpentant entre les maisons modernes et anciennes qui jalonnent les rues du bourg, témoins vivants de son histoire et de son évolution au fil du temps.
En chemin, vous croiserez les surfaces commerciales qui bordent les hauteurs de la ville, où un cheval emmène les touristes pour une balade pittoresque à travers le bourg. Même si la vue depuis les hauteurs n’offre pas grand-chose d’extraordinaire, l’ambiance chaleureuse du bourg suffit à enchanter les visiteurs.
Vous parviendrez finalement à un carrefour, marquant le début de la Röhrliistrasse et la sortie du bourg.
Puis, la route gagne les dernières maisons du bourg, jusqu’à rejoindre un panneau indicateur près des fermes de Hügerhof. C’est ici que la Via Jacobi 98 revient de Vitznau depuis Zopf.
Section 3 : Par monts et par vaux au-dessus du lac
Aperçu général des difficultés du parcours : parcours assez vallonné, même si parfois on marche au bord du lac.
La ferme de Hügerihof se dresse telle une oasis de sérénité et de charme au milieu des prés verdoyants et des arbres fruitiers, semblant émerger d’un tableau bucolique figé dans le temps.
La route se fraye ensuite un chemin à travers les prés parsemés d’arbres fruitiers, bravant les pentes modestes d’une colline maigre, tel un aventurier déterminé à conquérir de nouveaux horizons.
La route poursuit son chemin peu de temps sur la crête, offrant une vue panoramique sur les environs avant de replonger vers le lac.
Au lieudit Brüni, le bitume laisse place à un chemin caillouteux, puis à un sentier herbeux, descendant en direction du hameau d’Eggisbüel, près d’Hertenstein. Devant vous, la majestueuse silhouette du Pilate se dresse fièrement, tandis que sur votre gauche, le Bürgenstock se profile de l’autre côté du lac, témoignant de son passé historique en tant que bastion de la défense militaire suisse.
C’est une véritable carte postale de la Suisse centrale qui se dévoile, une scène à couper le souffle avec le Lac des 4 Cantons qui s’étend majestueusement sous vos yeux.
Le chemin descend à travers les prés, vers une très grande ferme au lieudit Eggisbüel. Dans cette région, c’est toujours la même histoire : les bords de l’eau sont réservés aux touristes, tandis que l’intérieur des terres appartient au paysan.
Sans tarder, une étroite route s’élève, grimpe avec une pente assez prononcée à travers les paisibles prés et les doux paysages en direction de la grande forêt de Herrenwald. En contrebas, les maisons de Hertenstein se reflètent dans les eaux paisibles du lac, offrant un spectacle pittoresque.
Au sommet de la courte montée, un chemin de terre battue serpente le long du bois, offrant une promenade tranquille le long des arbres majestueux.
À l’entrée de la forêt, une aire de pique-nique accueillante vous tend les bras. Bois de chauffage et barbecue sont à disposition, et il n’est pas rare de trouver même une hache dans ces lieux, témoignant de l’efficacité suisse en matière d’organisation et de services. Alles in Ordnung ! comme il se doit.
Dans la forêt, les hêtres et les épicéas se dressent majestueusement, leurs troncs droits comme des mikados, tendant vers la lumière à travers la canopée dense. Les châtaigniers et les chênes, plus rares, ajoutent leur touche de charme à cet écrin naturel. À leurs pieds, un tapis de mousse moelleux et des fougères ondulent doucement.
Un peu plus loin, un panneau indicateur dans la forêt vous oriente vers la direction de Küssnacht d’un côté, tandis que de l’autre, il pointe vers Hertenstein, un paisible village au bord de l’eau niché dans le coude formé par le promontoire environnant.
La forêt de Herrenwald est véritablement splendide, s’étirant le long du lac et mêlant harmonieusement feuillus et conifères. Pour rejoindre les rives du lac, le chemin devient abrupt, s’élargissant mais restant peu caillouteux, avec des pentes atteignant parfois près de 20% au début de la descente à travers la forêt. Il y a parfois un banc pour s’asseoir, mais l’effort est loin d’être soutenu pour nécessiter une longue pause.
À mesure que vous avancez, le murmure des vagues se fait entendre, annonçant la proximité de l’eau. Les premières éclaircies dans le feuillage révèlent des échappées sur le lac scintillant, offrant des panoramas à couper le souffle qui captivent l’âme et nourrissent l’esprit d’une profonde sérénité. De l’autre côté du lac, c’est Meggen, où vous passerez demain dans votre marche vers Lucerne.
Le large chemin serpente ainsi à travers le bois sur plusieurs kilomètres, offrant une perspective envoûtante sur la nature environnante, mais sans jamais atteindre les rives du lac. Plus bas, il se faufile même entre les arbres, évitant les pentes excessives, et vous emmène toujours au cœur d’une végétation luxuriante composée de feuillus et de résineux. Ce chemin, agrémenté d’un parcours Santé, témoigne d’une tradition européenne qui tend malheureusement à se perdre.
Au fil du parcours, une petite cascade discrète anime le paysage, son doux murmure se perdant dans les rochers tapissés de mousses humides, qui ajoutent une touche de fraîcheur et de mystère à cet endroit enchanteur.
Plus bas encore, vous croiserez un autre chemin, une alternative que vous auriez également pu emprunter, ramenant des randonneurs de Zopf, près de Weggis.
Plus loin, le chemin serpente à travers la végétation luxuriante, se rapprochant progressivement du lac et de ses berges sauvages et dénudées, offrant des panoramas à couper le souffle sur cette étendue d’eau majestueuse.
Alors, juste pour le plaisir, le chemin se hisse légèrement sur une petite butte, offrant une vue imprenable sur le lac. Il serait impensable de parcourir une si longue balade le long du Lac des 4 Cantons sans en profiter pleinement !
Au bas de la descente, le chemin vous conduit près d’une gravière bordant le lac. De l’autre côté de ses eaux scintillantes, se dessine Meggen, un village étendu entre Küssnacht et Lucerne. Un barbecue est également disponible ici, pour ceux qui savent et en ont l’usage. Mais, il faut y venir à pied pour en profiter.
Dans ce paradis sauvage, où le panorama dévoile Greppen devant soi, et Küssnacht au bout du lac, vous êtes lieu-dit Rörli, à seulement une heure et demie de Küssnacht.
Lorsque l’on observe attentivement les environs, on constate que les rives du lac ne sont que peu accessibles, enveloppées dans un mélange de roseaux et d’herbes hautes. On comprend aisément pourquoi les organisateurs du chemin n’ont pas choisi de faire transiter leur parcours le long du lac. La nature sauvage et préservée de ces berges offre un spectacle à la fois enchanteur et sauvage, mais rend la navigation difficile. Le parcours persiste néanmoins un peu au bord du lac, traversant un ruisseau sans nom qui se déverse délicatement dans ses eaux calmes. Cet instant est empreint d’un charme indescriptible, capable de laisser sans voix ceux qui ont la chance de le contempler.
La Via Jacobi décide ensuite de s’éloigner du lac, empruntant un chemin qui s’élève dans l’herbe sur la colline avoisinante. La pente devient à nouveau abrupte à cet endroit, invitant les marcheurs à redoubler d’efforts pour poursuivre leur ascension.
Les prés qui s’étendent sur cette petite colline accueillent le regard avec leur vert éclatant, ponctués ici et là de minuscules granges. L’ensemble dégage une atmosphère si paisible et soignée qu’on pourrait facilement être tenté de s’allonger dans l’herbe pour une sieste réparatrice.
Cependant, le pèlerin ne saurait se laisser aller à la flânerie, car ici la pente se fait abrupte pour atteindre le hameau de Halde perché au-dessus. Parmi les vergers qui bordent le chemin, prospèrent les vieux poiriers, les vieux pommiers et les vieux pruniers, témoignant du caractère ancestral de ces terres.
Halde, véritable havre de paix pour les randonneurs des weekends ensoleillés, séduit par son charme indéniable. Un petit café niché au cœur du hameau ajoute à son aura, où il est dit que la majorité des fruits récoltés finissent à la distillerie pour être transformés en délicieux alcools qui font la fierté de la Suisse alémanique.
Depuis la terrasse de ce café pittoresque, la vue offre un panorama saisissant sur le lac scintillant et sur le Pilate qui se profile à l’horizon, invitant le visiteur à contempler la majesté de la nature qui s’étend devant lui.
À partir d’ici, plus de montée à redouter, seulement une agréable balade à travers les prés, longeant les vieux arbres fruitiers chargés d’histoire. Si vous avez la chance de passer par ici au printemps, vous serez accueilli par une véritable symphonie de pommiers en fleurs, offrant un spectacle visuel enchanteur.
Section 4 : L’approche de Küssnacht, sur les hauteurs du lac
Aperçu général des difficultés du parcours : le parcours reste peu vallonné.
La petite route rejoint alors la route principale qui relie Weggis à Küssnacht, s’intégrant harmonieusement dans le réseau routier local.
La Via Jacobi suit ensuite la route cantonale très fréquentée, reliant Küssnacht à Weggis, dans une ambiance animée par le passage incessant des véhicules.
Au lieu-dit Langiswil, elle s’éloigne à nouveau de l’agitation routière pour s’engager sur un chemin de terre serpentant à travers la campagne verdoyante, au milieu des arbres fruitiers, principalement des pommiers. Cette région semble véritablement bénie pour la culture des fruits, avec des vergers d’une abondance rare, une rareté que nous n’avons que rarement rencontrée sur les Chemins de Compostelle en Suisse.
Mais ici, on cultive également d’autres fruits destinés à la cueillette, dont des poires, témoignant de la diversité et de la richesse de la production fruitière locale. Une croix de pierre marque le chemin, rappelant la dimension spirituelle et religieuse de cette région toujours imprégnée de la tradition catholique du canton de Schwyz.
Plus loin, le chemin s’approche de Greppen, traversant des prés et des vergers d’arbres fruitiers où l’herbe demeure d’un vert éclatant, qu’il pleuve ou non.
Peu après, le chemin atteint Gütsch, un faubourg de Greppen. Les paysans sont nombreux dans cette région, et leurs activités ne se limitent pas à la gestion des vergers. Les tas de bois sont soigneusement alignés, selon la tradition suisse-allemande, avec un souci du détail parfois teinté d’un kitsch singulier, caractéristique des lieux hors des sentiers battus. On aime ou on n’aime pas.
Les fermes revêtent souvent un charme rustique, avec leurs parois recouvertes de bardeaux, typiques de la partie orientale de la Suisse. Certaines proposent même une gamme complète de distillats régionaux, ajoutant une touche de tradition et d’authenticité à cette paisible campagne.
À la sortie du village, la Via Jacobi redescend en direction du lac, suivant une route goudronnée qui traverse une zone résidentielle périphérique de Greppen.
La route dévale ensuite vers le vieux village de Greppen, où résident environ 1’100 habitants, offrant un charme pittoresque bien plus saisissant que sa partie haute. Flânant sous les balcons fleuris de géraniums, le sentier passe à proximité de l’église au clocher effilé. Jadis une simple chapelle datant du XVIème siècle, l’église Saint-Wendelin a été agrandie au fil des siècles pour devenir l’église paroissiale que l’on peut admirer aujourd’hui.
Les maisons qui bordent les ruelles du vieux Greppen sont typiques du canton de Schwyz, souvent revêtues de bardeaux traditionnels. Bien que Greppen appartienne administrativement au canton de Lucerne, son atmosphère authentique et préservée contraste agréablement avec le luxe ostentatoire de localités telles que Vitznau ou Weggis.
Puis, la Via Jacobi quitte le village pour rejoindre la route cantonale, poursuivant son trajet le long de cette voie sur environ un kilomètre.
Sur son chemin, elle croise de nombreuses et vastes fermes, offrant peu d’attrait visuel à l’œil, si ce n’est l’occasion de jeter un coup d’œil furtif aux véhicules qui filent à vive allure.
Parfois, le regard peut se reposer sur les rangées d’arbres fruitiers ou sur les eaux paisibles du lac en contrebas des prairies environnantes. Il est nécessaire de trouver des points d’intérêt dans ces longues marches monotones, afin de meubler l’esprit durant un cheminement insipide.
Peu après, le parcours parvient enfin à une intersection, située au lieudit Eichholternweg, à seulement 30 minutes de Küssnacht. À cet endroit, vous quittez la route cantonale et réintégrez le canton de Schwyz. Il semblerait que Lucerne ait accaparé les pittoresques collines de Vitznau et de Weggis, laissant à Schwyz les pentes abruptes sous le Rigi. Comme le disent certains, les riches ont souvent le dernier mot.
Dans les prés, l’herbe demeure toujours d’un vert éclatant, conférant à ce paysage plus l’aspect d’un vaste parc que celui d’une campagne traditionnelle, ombragée par d’imposants peupliers.
Plus loin, la Via Jacobi retrouve le sol battu en se dirigeant vers les fermes de Seeheim. Bien que les fermes schwytzoises ne rivalisent pas avec celles du canton de Berne en termes de beauté architecturale, Schwyz n’est pas pour autant le canton le plus riche de Suisse. Toutefois, grâce à une baisse de la fiscalité, il est devenu un territoire en plein essor, parfois choisi comme refuge et lieu de résidence par de nombreuses célébrités, notamment des sportifs renommés, tant nationaux qu’internationaux. Malgré cela, de nombreux paysans continuent de vaquer à leurs occupations avec leurs vaches grises, témoignant ainsi de la persistance des traditions rurales.
Puis, le chemin se dirige vers Seematt, la banlieue de Küssnacht, serpentant à travers les vergers luxuriants.
Plus loin, le parcours traverse un quartier principalement composé de résidences récentes. Ne vous méprenez pas, si vous pensez que Schwyz est un canton dépourvu de richesse. Ici, les appartements avec terrasses atteignent plusieurs millions de francs suisses.
La route descend alors progressivement vers le lac, encastrée entre les imposants immeubles riverains.
Section 5 : Küssnacht ou la revanche de Guillaume Tell
Aperçu général des difficultés du parcours : parcours vallonné pour aller sur les traces de Guillaume Tell. Les légendes, cela se mérite.
Au bord du lac, une sérénité enveloppante règne, offrant des panoramas splendides sur les eaux calmes et les horizons lointains, ponctués par la silhouette imposante de l’église de Küssnacht.
Le lac, dans toute sa sauvagerie, accompagne le chemin, ses rives bordées de roseaux, offrant une balade paisible en direction du cœur de la ville.
La Via Jacobi achève ainsi son périple à Küssnacht, à proximité du port, sur la place abritant l’église baroque Saint-Pierre-et-Paul, érigée au XVIIIème siècle.
Le grand Küssnacht, anciennement Küssnacht am Rigi jusqu’en 2003, est la plus grande ville de la région avec ses 14’000 habitants, presque aussi peuplée que Schwyz, la capitale cantonale. Bien que moins touristique que ses consœurs au bord du lac, Küssnacht abrite de très belles demeures patriciennes qui dégagent un charme inouï, certaines remontant même au XVIe siècle, agrémentées au fil du temps.
La plus célèbre de ces demeures est la maison à colombages du restaurant Engel, datant de 1552. Ornée d’enluminures et de peintures colorées, cet établissement évoque même le souvenir de Goethe, qui y a séjourné un jour.
Même si la ville ne met pas en avant de manière ostentatoire les traces de Guillaume Tell, un circuit d’environ 4 kilomètres permet de se plonger dans l’histoire légendaire de la Suisse naissante. Toutefois, la Via Jacobi 98 ne passe pas par là. Pour rejoindre ce circuit au cœur de la ville, il suffit de suivre la direction de Hohle Gasse sur Rigigasse, Gesslerburg.
C’est une petite route qui serpente à travers la vieille ville, où les maisons semblent figées dans le temps, attendant peut-être une nouvelle vie un jour.
La route continue à grimper jusqu’à rencontrer un moulin au bord d’un ruisseau. Bien que ce moulin puisse sembler d’époque, il est en réalité plus récent, peut-être placé là pour ajouter une touche touristique.
Des séries d’escaliers permettent d’atteindre les ruines du Gesslerburg, perchées sur un éperon rocheux. Bien que nommé Château de Gessler au XIXe siècle en référence au bailli autrichien Gessler et à Guillaume Tell, ces figures sont en réalité des mythes et aucune preuve historique de leur existence n’a été trouvée. Le château aurait appartenu à une famille de chevaliers établie à Küssnacht dès le Xe siècle, mais les circonstances de sa destruction demeurent obscures. Les fouilles archéologiques ont révélé des artefacts datant du XIVème siècle, mais la ruine du château est mentionnée dès le début du XVIème siècle dans les chroniques. Aujourd’hui, il ne reste qu’un tas de ruines à admirer.
Il faut alors emprunter la petite route sinueuse qui monte abruptement à travers les prés pour poursuivre le périple. En gravissant rapidement la pente, on commence à dominer la ville de Küssnacht.
Plus haut, le parcours abandonne le goudron pour un large chemin de terre qui serpente et se faufile à travers les prés, passant près de chalets pittoresques et de fermes tranquilles.
Peut-être, selon la saison, aurez-vous le privilège incroyable de rencontrer des pommiers surdimensionnés en fleurs. C’est d’une beauté redoutable.
Plus loin, le chemin commence à serpenter plus sévèrement à travers les prés…
… jusqu’à arriver près d’une grande et belle ferme isolée au milieu de la nature.
Le sentier serpente alors vers la Hohle Gasse, ce Chemin Creux empreint de légende où Guillaume Tell scella le destin du bailli Gessler.
À l’orée des bois, se dresse une modeste chapelle, la TellsKapelle, étreinte par la quiétude d’un couvent voisin. Fondée en l’an 1638, cet humble édifice incarne le témoignage immuable d’une Suisse primitive, où de nombreuses chapelles et ex-voto glorifient le héros national, tissant ainsi la trame mythologique d’un personnage sacré. La première flèche de Tell, transperçant la pomme à Altdorf, la seconde, fendant le cœur du tyran à Küssnacht, inscrit cette grande épopée dans les annales de l’imaginaire collectif, forgée par les siècles. Au fil des générations, les artefacts historiques, érigés sur la place publique, ont évoqué l’épopée de la libération, pérennisant ainsi la conscience historique du peuple. Mais doit-on imputer cette glorification à Schiller ? Son « Guillaume Tell », né en 1804, a propulsé le mythe vers les sommets de la littérature universelle, brouillant parfois les frontières entre fiction et réalité. Car Schiller, tel un alchimiste des mots, n’a fait que sublimer une matière déjà présente, conférant à l’histoire une nouvelle dimension. Quant à Rossini, génial compositeur, il a ensorcelé les scènes avec son opéra magistral, bien que quelque peu éloigné de la trame historique.
La chapelle Tell de la Hohle Gasse, remaniée en 1834, s’orne depuis 1905 de deux fresques murales signées Werner Bachmann. Il est frappant de constater que la mort du gouverneur y est représentée sur le mur extérieur, loin de la quiétude du sanctuaire. Gessler n’a pas sa place au cœur de la dévotion.
Pourtant, l’ombre du héros plane également à l’intérieur, où la mort de Tell est évoquée sur le mur du fond. Tel un reflet, le sacrifice de Tell pour sauver un enfant imprime dans la pierre l’éclat d’une épopée intemporelle, rappelant que même les héros connaissent la fin.
Le sentier s’enfonce alors dans les bois touffus pour rejoindre la fameuse Hohle Gasse, ce « Chemin Creux » de légende. En 1908, la Confédération acquit le Gesslerburg. Cependant, dans les années 1930, l’idée de transformer la Hohle Gasse en une route de campagne émergea. Mais pourquoi donc ? La Hohle Gasse constituait depuis des siècles un tronçon vital d’une voie de liaison suprarégionale. Elle servait au transport des marchandises du nord de l’Italie à travers le Saint-Gothard et le lac des Quatre-Cantons. Ces marchandises étaient alors rechargées à Küssnacht et acheminées via la Hohle Gasse jusqu’à Immensee, d’où elles poursuivaient leur trajet à travers le lac de Zoug et plus tard le lac de Zurich jusqu’au Rhin. De même, le sel, essentiel à l’élevage, était acheminé depuis la région du lac de Constance via les lacs de Zurich, de Zoug et des Quatre-Cantons, passant également par la Hohle Gasse. Depuis le Moyen Âge, ce tronçon de route était parcouru par des hommes, des mulets, puis des charrettes et enfin des voitures. Cependant, cette époque prit fin en 1935.
Malheureusement, on envisagea de modifier cet espace pour élargir la route et faciliter le transport des marchandises. Cela aurait impliqué le démantèlement de la Hohle Gasse. Les indications pittoresques de Schiller semblaient pourtant offrir une alternative : « Des rochers entourent toute la scène ; sur l’un des fronts se trouve une corniche envahie par les buissons. » Heureusement, le chemin creux fut préservé grâce à une collecte organisée auprès des écoliers. Armés de rochers, de pioches et de pelles, ils créèrent un nouveau chemin de toutes pièces. L’inauguration de la Hohle Gasse eut lieu le 17 octobre 1937, avec une participation nationale. Ainsi, l’acte mythique retrouva l’éclat qui lui était dû. La Hohle Gasse avait été sauvée virtuellement de l’oubli, préservant ainsi son histoire, et une route de contournement fut créée.
Le chemin creux est véritablement remarquable, presque comme une relique de la préhistoire, bien qu’il ait perdu une part de son caractère historique. Mais peu importe, sa beauté est tout simplement extraordinaire, hors du commun. En se promenant ici, en effleurant du pied les imposants blocs de pierre enchevêtrés de mousse le long des parois rocheuses, on plonge inévitablement dans le rêve du château de Gessler et du mystique chemin creux qui ont inspiré toute une merveilleuse légende. Le Livre blanc de Sarnen, datant de 1470, relate les écrits sur les mythes fondateurs de la Suisse, affirmant que c’est sur cette voie que Guillaume Tell aurait abattu Gessler de sa célèbre arbalète, anticipant le passage du bailli vers son château.
Au pied de la descente du chemin, s’étend sur une centaine de mètres un humble mémorial, témoignant par des gravures l’épopée qui s’y est déroulée. Le sens du sacrifice patriotique de la jeunesse scolaire suisse a rendu possible la construction de la route de contournement entre 1935 et 1937, assurant ainsi la préservation éternelle de la Hohle Gasse, comme en témoigne une plaque commémorative érigée en 1935. Malheureusement, le retour le long de la route en direction de Küsnacht dissipe rapidement l’enchantement poétique ressenti auparavant. Il est préférable d’opter pour le bus afin de prolonger cette expérience mémorable en toute quiétude.
Logements sur la Via Jacobi
- Seehof***, Gotthardstrasse 3, Weggis; 041 390 11 51 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Seehotel Gotthard***, Gotthardstrasse 11, Weggis; 041 390 21 14 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Garni-hotel Fohburg***, Seesstrasse 21, Weggis ; 041 392 00 60 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Kurhaus*** Seeblick, Baumenweg 20, Weggis ; 041 392 02 02; Hôtel, repas, petit déj.
- Hotel*** Restaurant Seehof, Seeplatz 6, Küssnacht ; 041 850 10 12 ; Hôtel, repas, petit déj.
- Hote***l Zum Hirschen, Unteerdorf 9, Küssnacht ; 041 399 85 85 ; Hôtel, repas, petit déj.
C’est une région hautement touristique, avec de nombreux appartements de vacances et de locations Airbnb, dont on ne connaît pas les adresses. Vous trouvez aussi quelques hôtels de grand luxe dans la région, peu en usage chez les pèlerins. Réservez à tout prix, en haute saison.